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LA FEMME DU DOCTEUR.

s’écriait le jeune auteur, — c’est plus fort que les journaux à un sou. À l’exception du départ dans un fiacre au lieu d’une porte secrète ou d’un passage souterrain, c’est exactement comme dans les journaux à un sou.

— Mais tu pourras toujours trouver où ils sont allés et pourquoi ils sont partis si vite, — suggéra George ; — leurs amis te le diront.

— Leurs amis ! — s’écria Sigismund, — jamais ils n’ont eu d’amis…, du moins d’amis qu’ils allassent voir ou quelque chose de ce genre. Parfois Sleaford amenait des amis avec lui, mais le soir assez tard, ou dans l’après-midi, le dimanche. Mais je ne les ai jamais vus, car il s’enfermait avec eux dans sa chambre, et, sans l’eau-de-vie et les cigares qu’il demandait, les côtelettes et les beefsteacks qu’il faisait préparer, et les malédictions qu’il envoyait par-dessus la rampe, à la bonne qui n’avait pas tenu les assiettes assez chaudes, on ne se serait pas douté qu’il y avait des visiteurs dans la maison. Je suppose que ses camarades étaient des gens de barreau comme lui, — ajouta Smith d’un air réfléchi ; — mais ils n’avaient pas la tournure d’avocats, car ils portaient des moustaches en croc et avaient l’allure militaire. De plus, s’ils n’avaient pas été les amis de Sleaford, je leur aurais trouvé un singulier air.

Ce soir-là les deux jeunes gens ne purent parler que d’une chose, ne penser qu’à une chose : les Sleaford et leur inconcevable départ. Ils errèrent à travers le jardin, contemplant les longues herbes parasites et les plates-bandes négligées, et la tonnelle couverte par une luxuriante vigne vierge presque étouffée par les empiétements du houblon sauvage, — cette tonnelle