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LA FEMME DU DOCTEUR

du récit. C’était un excellent jeune homme, qui allait à l’église deux ou trois fois au moins le dimanche, et qui, sous aucun prétexte, n’aurait transgressé, même en pensée, aucun des dix commandements tracés sur des cartouches enluminés au-dessus de l’autel. C’était un très-bon garçon, et, surtout, il en avait l’air. Personne ne s’était encore avisé de le trouver joli ; mais personne n’aurait songé à dire qu’il était laid. Il avait ce visage jovial et bien portant qui ferait reculer d’horreur le romancier ou le poète à la recherche d’un héros, et que les esprits pratiques associent involontairement avec la profession de laboureur ou celle de marchand boucher.

Je ne veux pas dire que le pauvre George manquât de distinction, parce qu’il était bon, parce que ses manières étaient cordiales, et qu’il possédait une certaine charité instinctive qui n’avait pas encore revêtu une forme bien définie, mais qui donnait une saveur particulière à la moindre parole qui tombait de ses lèvres, à la plus chétive pensée de son cœur. C’était un garçon plein de confiance, qui avait la meilleure opinion de l’espèce humaine ; un tory, corps et âme comme son père et son grand-père l’avaient été avant lui, révérant les gros bonnets des environs de Wareham et de Graybridge, dont les grands noms lui étaient familiers depuis l’enfance, et devant lesquels il s’inclinait sans la moindre servilité. C’était un garçon candide, honnête, et rustique, qui remplissait convenablement ses devoirs et qui tenait sa petite place dans son petit cercle, de façon à faire honneur et à lui-même et au père qui l’aimait. Le stage orageux des deux années de la vie d’étudiant à Saint Bartholomé l’avait laissé presque aussi naïf qu’une jeune