Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
LA FEMME DU DOCTEUR

Si M. Raymond avait ressemblé à tout le monde, il est probable qu’il eût été excessivement surpris, sinon offensé, de la visite rendue dès le matin à une gouvernante par un jeune médecin. Mais comme M. Charles Raymond était tout l’opposé de tout le monde ; qu’il était le fidèle disciple de M. George Combe, et qu’il pouvait reconnaître au simple coup d’œil que le jeune médecin n’était ni un débauché ni un malhonnête homme, il reçut George aussi cordialement qu’il avait l’habitude de recevoir tous ceux qui avaient besoin de son amitié, envoya Brown Molly à l’écurie, et mit son maître à l’aise avant que George eût fini de rougir dans le premier émoi de sa timidité.

— Entrez ! entrez ! — dit M. Raymond d’une voix vibrante, — entrez, mon ami. Vous avez reçu une lettre de Sigismund, — quelle idée absurde il a eue de se faire appeler Sigismund ! — et il vous a raconté l’histoire de Mlle Sleaford, jeune fille charmante, mais qui a besoin d’être instruite avant de pouvoir enseigner. Elle amuse les enfants et les mène promener, elle est très-gentille et très-consciencieuse. Prudence excessive ; je n’ai rien pu tirer d’elle relativement à sa vie passée ; je crains fort qu’elle n’ait beaucoup souffert. N’importe ! nous essayerons de la rendre heureuse. Que nous fait sa vie passée si ses facultés se balancent ? Laissez-moi faire un choix parmi les enfants de Field-Lane, et je vous trouverai un archevêque de Cantorbéry en herbe ; menez-moi dans un lieu où les crimes humains ne sont connus que par la nomenclature qu’en donne le Décalogue, et je vous montrerai un Greenacre en germe. Mlle Sleaford est une excellente petite fille, mais elle aime trop le merveilleux, trop l’idéal exagéré. Ses grands yeux se