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DU SERPENT.

souffrir tout cela, et nous choisîmes la rivière pour l’autre. Oui, mon trésor, je vous transportai sur le bord de la rivière, une nuit qu’il faisait très-noir, et je vous laissai glisser dans un endroit où je croyais l’eau très-profonde ; mais, vous le voyez, elle ne le fut pas assez pour vous. Oh ! chéri, dit-elle avec un sourire hébété, il faut qu’il y ait de la destinée là-dedans, et vous n’étiez pas né pour être noyé. »

Son petit-fils prédestiné lui lança un regard sauvage.

« Assez, dit-il ; je n’ai pas besoin de vos réflexions maudites.

— Vous n’en voulez pas, chéri ? Mon Dieu, j’étais pleine d’esprit dans mes jeunes années, et on avait coutume de m’appeler la malicieuse Betty, mais il y a bien longtemps de cela. »

Il y avait, en effet, des restes suffisants de cette malice d’autrefois, pour donner un air d’affreux enjouement aux manières de la vieille femme, qui la rendait extrêmement répulsive. Que peut-il y avoir de plus répulsif que la vieillesse qui, dépouillée de beauté et de grâce, n’est pas encore purifiée des folies et des vices d’une jeunesse évanouie.

« Et ainsi donc, mon chéri, l’eau n’était pas assez profonde, et vous fûtes sauvé. Comment cela arriva-t-il ? racontez-moi cela mon trésor.

— Vraiment, je crois bien que vous voudriez le savoir, lui répliqua le cher enfant, mais vous pouvez