Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LA TRACE

n’avait pas servi pour souper, dans sa chambre, des plumcakes, des pieds de cochon, des escargots, des nougats et des flacons de limonade, le tout étalé sur une pile d’oreillers. Jabez est demeuré dans la salle d’études, où il corrige une énorme série de thèmes latins. Voyez-le à la lueur de cette unique chandelle ; voyez ses yeux, fixes maintenant, car il ne pense plus qu’on le regarde, fixes et brillants d’un feu contenu qui pourrait bien un jour devenir une flamme terrible ; voyez son visage, sa bouche déterminée, ses lèvres minces formant l’arc, et dites si c’est là le visage d’un homme prêt à se contenter d’une vie triste, obscure et monotone ? Il y a de l’intelligence dans ses traits, mais ce n’est pas avec cette sorte d’intelligence qu’un homme passe sa vie à corriger des thèmes et des versions. Si nous pouvions lire dans son cœur, nous y verrions les réponses à ces questions. Il lève le couvercle de son pupitre, pupitre vaste et profond qui contient bien des choses : du papier, des plumes, des cahiers, des lettres, et un long bout de corde épaisse, objet étrange à trouver dans le pupitre d’un maître d’études. Il le regarde comme pour s’assurer qu’il est toujours là ; puis il referme vivement le pupitre, le ferme, met la clef dans la poche de son gilet, et, quand, à neuf heures et demie, il monte à sa petite chambre au faîte de la maison, il l’emporte sous son bras.