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DU SERPENT.

chose et une autre m’ont tellement bouleversé, que vous me semblez changée, vos traits altérés ; je ne puis pas dire comment, mais extraordinairement altérés. »

Elle s’assied dans le fauteuil à côté de la cheminée. Un tabouret en velours brodé est à ses pieds ; il se place dessus et reste à contempler son visage. Elle pose ses doigts effilés sur sa chevelure noire et le regarde dans les yeux. Qui lira ses pensées en ce moment ? Elle a appris à le mépriser, mais elle n’a jamais cessé de l’aimer. Elle a sujet de le haïr, mais elle ne peut dire si le sentiment amer qui torture son cœur est de l’amour ou de la haine.

« Fi donc ! Gaston, vous êtes rempli d’idées tristes, ce soir. Et moi, vous le voyez, je n’ai pas songé un instant à vous reprocher l’inquiétude que vous m’avez causée. Voyez comme je suis disposée à accepter vos excuses pour votre absence, et à n’exprimer aucun doute sur leur véracité. Maintenant, si j’étais jalouse ou soupçonneuse, je pourrais avoir, une centaine de doutes ; je pourrais même être assez folle pour me figurer que vous étiez avec une autre femme que vous aimez plus que moi.

— Valérie !… dit-il d’un air de reproche, en portant la petite main de celle-ci à ses lèvres.

— Non, dit-elle avec un sourire, cela pourrait être la pensée d’une femme jalouse ; mais moi, Gaston, pourrais-je penser ainsi de vous ?