Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
DU SERPENT.

de la grande croisée les épais rideaux de velours qui interceptent la clarté de la froide nuit d’hiver.

« Vous êtes étonnamment changée, mademoiselle, dit Raymond, en examinant à la lumière de la lampe son visage défait.

— Peut-être, répondit-elle d’un ton glacé, je ne suis pas accoutumée au crime et je ne puis en supporter facilement le souvenir. »

Il s’occupe en l’écoutant d’ôter avec son mouchoir la poussière de ses petites bottes de cheval brillantes, puis levant la tête, il dit en souriant :

« Allons, mademoiselle, je vous crois plus de philosophie. Pourquoi vous servir de vilains mots ? Crime, poison, assassinat. »

Il s’arrête entre chacun de ces trois mots comme si chaque syllabe était un instrument tranchant, et que, chaque fois qu’il les prononce, il l’eût frappée au cœur, s’arrêtant pour calculer la profondeur de la blessure.

« De tels mots n’existent pas pour la beauté et les personnes de haut rang. Un être en dehors de notre sphère nous offense, et nous l’écartons de notre passage. Nous pourrions aussi bien regretter l’insecte venimeux que nous détruisons parce qu’il nous a piqués. »

Elle ne daigne pas avoir l’air de comprendre ces paroles par le moindre regard ou le moindre geste, mais elle dit avec froideur :