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LA TRACE

difficile, même pour un observateur minutieux, de découvrir un éclair de triomphe dans ses brillants yeux bleus, ou un sourire jouant autour de ses lèvres minces, qui dénotassent que le nouveau marié était l’auteur fortuné d’un plan infâme et bien ourdi. Il portait, dans le fait, sa bonne fortune avec une telle indifférence d’homme bien élevé, que Paris l’inscrivit immédiatement parmi les grands hommes, sinon même au premier rang, ce qui est le septième ciel dans le paradis parisien. Il eût été difficile aussi, pour un observateur quelconque, de lire le secret du pâle, mais beau visage, de la mariée. Froide, calme et hautaine, elle avait un sourire stéréotypé pour tout le monde, et ne montra pas plus d’agitation pendant la cérémonie que si elle eût représenté une mariée dans une charade en action.

Peut-être que l’heure où un événement quelconque, si effrayant, si douloureux qu’il pût être, eût été capable de la réveiller de sa froide sérénité, s’était enfuie pour jamais. Peut-être qu’ayant survécu à son amour, elle avait survécu à la faculté de sentir ou de souffrir, et devait désormais vivre pour le monde, comme une actrice distinguée dans la grande comédie de la société aristocratique.

Elle se tient dans l’embrasure d’une croisée chargée de plantes exotiques, qui forment un grand rideau de feuilles d’un sombre vert, et de fleurs des