Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
LA TRACE

— Vous avez la disposition de ma fortune.

— Une fortune que beaucoup de princes seraient fiers de posséder, » interrompt-il, regardant la fleur et non pas elle.

C’est un homme courageux, très-vraisemblablement, mais il n’a pas la réputation de regarder les gens en face, et il ne se soucie point de rencontrer les yeux de sa femme en ce moment.

« Mais si vous pensez que les mots dont l’interprétation sacrée a été prostituée par nous en ce jour, ont une signification quelconque pour vous ou pour moi, si vous n’êtes pas convaincu qu’il n’y a pas un laquais ou un groom dans cette vaste cité, un mendiant déguenillé dans toutes ces myriades de rues, auquel je ne donnerais plus volontiers le nom d’époux qu’au misérable qui est en ce moment devant moi, vous ne connaissez ni moi ni mon sexe. Ma fortune vous appartient ; prenez-la, gaspillez-la, jetez-la aux vents, dépensez-la jusqu’au dernier liard, dans les misérables vices qui sont les plaisirs des hommes comme vous. Mais osez m’adresser un seul mot de vos lèvres mensongères, osez approcher de moi pour ne toucher que le bas de ma robe, et aussitôt je proclame l’histoire de notre mariage du commencement à la fin. Croyez-moi, quand je vous le dis, et si vous regardez dans mes yeux, vous pourrez y lire que peu de chose me retient et m’empêche de me poser en ce mo-