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LA TRACE

Le grelottant baby s’est endormi ; il est tranquillement étendu sur les genoux de la femme.

« Que prenez-vous ?

— Un peu de gin, répond-elle, non pas toutefois sans une certaine hésitation dans la voix.

— Ah ! ah ! vous avez trouvé cette consolation, eh ? »

Il prononce ces mots avec un coup d’œil de satisfaction qu’il ne peut réprimer.

« Quelle autre consolation reste-t-il aux femmes comme moi, Jabez ? J’ai cru d’abord y trouver l’oubli ; rien maintenant ne saurait me faire oublier… mais… »

Elle n’acheva pas sa phrase, mais elle dirigea son regard vague et sinistre sur les eaux noires du Sloshy qui, à mesure que la marée s’élevait aidée par la violence du vent, trempaient le chemin de halage jusque sous les fenêtres du cabaret.

« Eh bien, comme je suppose que vous ne m’avez pas fait venir ici dans le seul but de me faire entendre ces lugubres paroles, peut-être me direz-vous ce que vous voulez ; mon temps est extrêmement précieux, et, s’il ne l’était pas, je ne puis dire que je tiendrais beaucoup à rester ici longtemps ; c’est un si ravissant bouge situé dans un quartier si attrayant !

— Je vis dans ce quartier, Jabez, du moins j’y meurs de faim.