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LA TRACE

L’émotion dans Slopperton, comme nous l’avons déjà observé, était immense. Ce n’était qu’une voix, une voix terrible d’exécration pour l’innocent prisonnier, d’horreur pour la perfidie et la cruauté de cet horrible attentat, et de pitié pour la malheureuse mère de ce fils dénaturé, mourant de douleur dans son lit, mais qui, en dépit de toutes les preuves, ne cessait de répéter qu’elle était certaine de l’innocence de son fils.

Le coroner eut beaucoup de besogne dans ce sinistre jour de novembre, car, après l’enquête sur l’infortuné M. Harding, il avait dû courir à un mauvais cabaret au bas de la ville, sur le bord de la rivière, pour s’informer des causes de la mort accidentelle d’une malheureuse délaissée, trouvée par des bateliers dans le Sloshy.

Ce genre de mort était une chose si ordinaire dans la considérable et compacte population de la ville de Slopperton, que le coroner et le jury, éclairés par deux chandelles aux longs lumignons dégouttant le suif, eurent peu à dire sur l’événement.

Un coup d’œil sur le tas de vêtements mouillés, déchirés et en haillons, un demi haussement d’épaules et un regard demi compatissant sur ce visage blanc, ces lèvres bleues et humides, cette chevelure châtain clair éparse, et le verdict d’absolution était prononcé : « Trouvée noyée. »

Un membre du jury, un boucher, nous croyons