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LE SECRET

jours de dépendance, elle semblait apporter avec elle la lumière et la joie. En dépit du dédain non déguisé de miss Alicia pour la frivolité et l’humeur enfantine de sa belle-mère, Lucy était beaucoup plus aimée et plus admirée que la fille du baronnet. Cette humeur enfantine avait vraiment un charme auquel peu de gens pouvaient résister. L’innocence et la candeur de l’enfance brillaient sur le beau visage de lady Audley et éclataient dans ses grands yeux bleus si limpides. Ses lèvres roses, son nez exquis, la profusion de ses belles boucles, tout contribuait à conserver à sa beauté le caractère d’une extrême jeunesse et d’une première fraîcheur. Elle avouait vingt ans, mais il était difficile de lui en donner plus de dix-sept. Sa taille frêle, qu’elle se plaisait à enfermer dans des robes de velours épais et de fortes soieries, la faisait ressembler à un enfant attifé pour une mascarade ; elle avait l’air d’une jeune fille qui vient seulement de quitter la chambre des enfants. Tous ses amusements étaient puérils. Elle détestait la lecture et toute étude d’un genre quelconque, et aimait la société ; plutôt que de rester seule, elle préférait admettre Phœbé Marks dans son intimité, puis, étendue nonchalamment sur un des sofas de son luxueux cabinet de toilette, discuter une nouvelle parure pour quelque prochain dîner, ou jacasser avec la jeune fille, son écrin de bijoux devant elle, en étalant les présents de sir Michaël sur ses genoux, pendant qu’elle comptait et admirait ses trésors.

Elle avait paru à quelques bals publics à Chelmsford et à Colchester, et avait été immédiatement proclamée la beauté du comté. Heureuse de sa position élevée et de sa magnifique demeure, voyant chacun de ses caprices satisfait, chacune de ses fantaisies réalisée ; adorée follement de son généreux époux, dotée d’une très-belle pension pour ses menues dépenses, n’ayant aucun parent pauvre pour la tourmenter et récla-