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LES OISEAUX DE PROIE

sée par amour de ses dix-huit mille livres. Elle savait que certains amis prudents, certains parents avaient levé les mains et froncé les sourcils en signe d’horreur en apprenant qu’elle s’était mariée en secondes noces sans avoir fixé un douaire. Un vieil oncle lui avait même demandé si elle ne craignait pas que cette folie fît mourir son père de chagrin.

Georgy avait haussé les épaules en entendant les remontrances de ces amis ; elle avait dit qu’elle trouvait que l’on était cruel à son égard et qu’il était « un peu fort qu’elle ne pût une fois dans sa vie faire sa volonté. » Quant au douaire dont on parlait, elle protesta avec indignation ; elle n’avait pas des sentiments assez bas pour traiter son futur mari comme un escroc ; ce serait le donner à penser que de prendre tant de précautions pour mettre son argent en sûreté, etc., etc. Puis, comme une année s’était à peine écoulée depuis la mort de ce pauvre Tom, elle avait tenu à se marier, sans bruit, sans cérémonie, incognito. Enfin, elle trouva cent raisons pour ne pas se soumettre à cette clause étrange par laquelle une somme d’argent est si parfaitement immobilisée, que son propriétaire même ne peut y toucher si peu que ce soit sans tomber sous le coup de la loi qui punit les maraudeurs.

George avait été bien près de la vérité lorsqu’il avait dit à son frère que Mme Halliday n’oserait pas refuser sa main. Cette douce petite femme aux beaux cheveux blonds et à la gracieuse figure avait une peur terrible de son ancien amoureux. Elle était devenue sa femme et jusqu’alors elle n’avait pas eu à s’en repentir ; mais eût-elle eu en perspective la misère, le chagrin, qu’elle l’eût épousé de même, tant était directe et puissante l’influence qu’il exerçait sur elle. En effet, Georgy n’avait