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LES OISEAUX DE PROIE

posée à parler de ces années d’absence. Mlle Halliday, qui savait tout cela, ne lui avait pas fait de question ; elle avait seulement serré contre son cœur la jeune vagabonde et lui témoignait plus d’affection qu’à une sœur.

« J’avais cru que je ne vous reverrais jamais, ma chère, lui disait-elle dans un coin de l’étude où elles s’étaient retirées le jour de la rentrée de Diana, et vous me manquiez cruellement. Les autres sont certainement très-aimables et très-bonnes pour moi. Il y a surtout une nouvelle, Mlle Spencer, avec laquelle je sympathise beaucoup ; mais il n’y en a pas une seconde au monde comme vous. Et où avez-vous été pendant tout ce temps ?… Avec votre père, je suppose ?…

— Oui ! répondit Mlle Paget tristement, j’ai été avec mon père. Ne me demandez rien au sujet de ces trois années, Charlotte ; j’ai été malheureuse au delà de toute expression, et il m’est pénible d’en parler.

— Eh bien ! n’en parlons pas, ma chérie, s’était écriée Charlotte en avançant ses lèvres pour lui donner un baiser qui eût certainement causé quelque distraction à l’homme le plus flegmatique, ne parlez et ne pensez à rien qui vous soit le moins du monde désagréable. Il faut que je vous donne mon porte-crayon en or, » ajouta Mlle Halliday en tirant vivement le crayon de sa poche.

Il y avait quelque analogie entre cette manie de donner les objets qu’elle avait sur elle et les façons de Georgy lorsqu’elle était jeune.

« Il faut que vous le preniez, ma chère ; maman me l’a donné aux vacances dernières, et je n’en ai aucun besoin. Il y a si longtemps que je l’ai que j’en suis fatiguée. Ce n’est pas une chose de grande valeur, bien que maman l’ait payée deux guinées ; mais elle a le don de se faire attraper dans les boutiques. Prenez… prenez-le,