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LES OISEAUX DE PROIE

très-souvent à La Pelouse. En plus d’une occasion, Sheldon trouva dans le capitaine un auxiliaire utile, et les rapports entre le respectable agent de change et l’aventurier prirent peu à peu un caractère tout à fait affectueux. Diana était stupéfaite de voir un homme aussi honorable que Sheldon donner la main à son père. Mme Sheldon et Charlotte étaient enthousiasmées du capitaine et de son protégé. Ces deux bohèmes, sans sou ni maille, savaient bien mieux plaire aux femmes que les forts négociants de la Cité, les convives ordinaires de Sheldon, qui ne savaient que boire très-longuement le porto de la maison, tandis que dans le salon leurs femmes faisaient tout ce qu’il est humainement possible de faire au monde pour endormir sur leurs sièges Diana et Charlotte. Le capitaine, lui, tournait à l’adresse de Mme Sheldon les compliments les plus fleuris et lui racontait les petits scandales du grand monde, les histoires des élégants qu’il avait fréquentés autrefois. La pauvre et simple Georgy avait pour lui ce sentiment de respect qu’inspire à une bourgeoise élevée à la campagne un homme qui a en lui ce je ne sais quoi qui révèle la haute naissance et la bonne éducation et que cinquante ans de dégradation ne sauraient effacer. Charlotte ne pouvait non plus dissimuler sa sympathique admiration pour une personne dont les allures étaient tout autres que celles des hommes qu’elle avait rencontrés jusqu’alors. Dans les moments difficiles, c’était parmi les femmes que le capitaine avait toujours rencontré ses appuis les plus fermes et ses dupes les plus faciles. Ç’avait été pour le capitaine un triste jour que celui où ses amis lui avaient refusé de lui prêter cinq livres, mais celui où les femmes de ses amis avaient fait de même avait été un jour bien plus triste encore !