Aller au contenu

Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
LES OISEAUX DE PROIE

âge aussi avancé sans être pris d’une manière ou d’une autre dans les filets du mariage. Alors, les jeunes gens étaient moins prudents et se laissaient aller aux déceptions de l’amour plus facilement qu’aujourd’hui. Le fait que Matthieu Haygarth n’a jamais révélé ce mariage ne supprime pas la possibilité de mon hypothèse. Il est mort très-subitement… intestat, ainsi qu’il paraît être dans l’habitude de ces Haygarth de le faire et sans avoir mis ses affaires en ordre. D’après le dire du vieil habitant de l’hospice d’Ullerton, ce Matthieu était un fort bel homme, au cœur chaud, loyal, un bon diable, un type de roman ou de comédie, un de ces hommes qui, avant vingt ans, deviennent éperdûment amoureux et traverseraient l’eau et le feu par amour pour leur belle, en un mot, le gaillard le moins fait pour rester garçon jusqu’à cinquante-quatre ans.

— Mais il se peut…

— Il se peut que ç’ait été un viveur, allez-vous dire et qu’il ait aimé sans la permission de l’Église ou de la municipalité. Cela est possible, mais si c’était un homme léger, la tradition a été bienveillante pour lui. En fait, les informations que l’on peut obtenir sur un homme décédé en 1774, sont nécessairement fort incertaines et incomplètes ; mais, si je puis m’en rapporter aux souvenirs passablement nébuleux de mon vieil habitant sur ce que son père avait appris de son propre père, à propos de Matthieu Haygarth, ce n’était pas un homme vicieux. Il n’existe contre lui aucune légende d’innocence trahie, de fillette menée à mal. Il paraît avoir joui de la vie comme les jeunes gens de cette époque, faisant combattre des coqs, rossant le guet, jouant un peu, et connaissant à fond l’intérieur des prisons pour dettes. Il a dû rester à Londres une vingtaine d’années, et pendant ce