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LES OISEAUX DE PROIE

— Adieu, Diana ; adieu, Mlle Halliday. »

Haukehurst donna la main aux deux jeunes filles. Il serra longuement entre ses doigts celle de Charlotte et toucha à peine celle de Diana.

« Adieu, » dit-il de nouveau très-tristement.

Puis, après une pause, silencieux, comme irrésolu, son chapeau à la main, il se couvrit subitement et s’enfuit presque en courant.

Les deux jeunes filles firent encore quelques pas vers la grille. Charlotte s’arrêta près d’un banc ordinairement occupé par les bonnes et les enfants, mais qui, à cette heure, était désert.

« Je suis bien fatiguée, Diana, » fit-elle.

Elle s’assit. Un petit voile s’enroulait autour de son chapeau. Elle le baissa. Les larmes qui emplissaient ses yeux ne furent pas longues à traverser le pauvre petit morceau de dentelle. Elles tombèrent sur ses genoux comme une lourde pluie. La pauvre enfant l’avait dit en riant une heure avant : il pleuvra, et il pleuvait.

Les beaux yeux de Mlle Halliday étaient secs cependant, lorsqu’elle s’en retourna à la maison ; mais elle avait le pressentiment d’un grand chagrin, un soupçon vague que la dernière bouffée de chaleur et le dernier éclat de l’été s’étaient évanouis en un instant, et que le sombre hiver s’était abattu sur Bayswater à l’improviste. Qu’avait-elle donc perdu ? Oh ! pas grand’chose, tout bonnement la présence d’un jeune bohème au teint pâle, aux traits fatigués, un peu sauvage, un peu sentimental, un peu corrompu, et sans le sou. Elle n’avait perdu que cela ! Mais aussi, pour elle, c’était le premier homme dont les yeux se fussent emplis d’une mystérieuse tendresse en la regardant, le premier