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LES OISEAUX DE PROIE

pas, du reste, que Spostwold soit beaucoup plus agréable au cœur de l’été. Tel que je l’ai vu aujourd’hui, ce lieu me paraît être le type de ce qu’il y a de plus sombre, de plus triste et de plus désolé. De longs marais entourent le petit village qui est blotti dans un fond, comme un pauvre animal abattu qui cherche à se mettre à l’abri de la bise ; sur la limite du marais, au-dessus de maisons éparses et de la petite auberge, s’élève le carré massif de la tour d’une vieille église. Elle est tout à fait hors de proportions avec les pitoyables habitations qui l’avoisinent : ce doit être les restes de quelque monastère.

« Je me dirigeai vers cette église, malgré la pluie, accompagné par le sacristain. C’était un vieux bonhomme tout cassé qui remplissait à la fois les fonctions de sacristain, de clerc, de fossoyeur, et toutes autres fonctions officielles du même genre.

« Nous fîmes notre entrée dans l’intérieur, après que mon loup de mer no 2 eut fait sonner un trousseau de clés énormes. La porte s’ouvrit en grinçant et se ferma avec un bruit épouvantable. Si laide et si noire que paraisse l’église au dehors, elle est encore plus laide et plus noire à l’intérieur ; une humidité glaciale tombe de ses murs ; elle semble venir d’un sépulcre. L’on y rencontre tous les mystérieux recoins et armoires particuliers à cette espèce d’édifices : un orgue qui, chaque fois qu’une porte est ouverte ou fermée, laisse échapper un son plaintif ; un comble voûté qui reproduit le bruit de pas, dont l’écho fait songer à la voix d’un esprit qui jetterait un cri douloureux dans l’espace. Encore un impie qui franchit le seuil du temple sacré, encore un plébéien qui vient profaner les cendres des de Montacutes, seigneurs de ce pays !