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LES OISEAUX DE PROIE

antique et une grosse chaîne d’or ; et à ses yeux une maison lourdement meublée, un cheval et un gig, étaient l’expression la plus élevée de la splendeur terrestre et de la prospérité.

Telle était la frivole créature que Sheldon avait autrefois admirée et à laquelle il avait été sur le point d’offrir des vœux éternels, En l’étudiant maintenant, il se demandait comment il avait pu avoir d’elle une si haute opinion, mais il n’avait pas beaucoup de temps à donner à cette étude abstraite et fastidieuse ; il avait mieux à faire : notamment à s’occuper de ses propres affaires et de l’état dans lequel elles se trouvaient.

De leur côté M. et Mme Halliday étaient tout entiers ou à leurs affaires ou à leurs plaisirs, comme cela se trouvait ; ils aimaient beaucoup à s’amuser. Dans le jour ils allaient aux expositions et le soir aux théâtres, puis revenaient à la maison faire de petits soupers, après lesquels les deux camarades causaient amicalement avec grand renfort d’eau-de-vie et d’eau chaude.

Malheureusement pour la pauvre Georgy, ces heureux jours étaient souvent troublés par des nuages orageux. Cette pauvre petite femme était affligée de cette terrible fièvre intermittente : la jalousie, et le gros Thomas était un de ces hommes qui ne peuvent pas rencontrer une femme sans lui faire hic et nunc, un bout de cour. De plus, n’ayant par lui-même aucune ressource intellectuelle, il recherchait la compagnie. Cette disposition avait assez vite fait de lui un habitué des parloirs de tavernes et des petites réunions de sportsmen toujours à l’affût d’une partie de plaisir. Il en résultait qu’il laissait souvent en tête à tête son agréable maison et sa jeune femme. La pauvre Georgy trouvait ainsi de nombreuses occasions de nourrir ses craintes et ses soupçons