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LES OISEAUX DE PROIE

apprenez qu’un aliment qui est resté pendant des heures exposé à l’air pestilentiel de la chambre d’un fiévreux ne peut être pris sans inconvénient que par le malade lui-même. N’en doutez pas, c’est cette imprudence qui vous a rendue malade.

— Oui ; monsieur, et j’ai eu des maux de cœur qui m’ont fait beaucoup souffrir, répondit d’un ton plaintif la bonne femme.

— Que cela vous serve de leçon une autre fois. Ne prenez plus jamais rien qui vienne de la chambre d’un malade.

— Je ne pense pas que j’aie bien longtemps l’occasion de le faire, monsieur.

— Que voulez-vous dire par là ?

— C’est que je ne crois pas que M. Halliday ait encore beaucoup de temps à vivre.

— Ah ! vous autres femmes, vous voyez toujours les choses en noir.

— Dame ! à moins que le nouveau docteur connaisse quelque remède qui puisse le guérir… Oh ! je vous en supplie, monsieur, trouvez un bon médecin qui soit capable de sauver le pauvre homme. Rappelez-vous, monsieur Philippe, combien vous et lui étiez amis dans votre enfance, presque frères… Pensez à ce que diraient les méchantes langues s’il venait à mourir sous votre toit. »

Pendant cette conversation, Sheldon, debout près de la porte de la chambre prenait sa tasse de thé ; il leva la tête et regarda sa ménagère avec une expression de surprise profonde.

« Que diable entendez-vous par là, Nancy ?… Qu’est-ce que mon toit a à faire avec la maladie de M. Halliday ou avec sa mort, s’il doit en venir là ? Qui peut avoir à dire qu’il meure ici ou ailleurs ?