Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
SON INSTRUCTION
121

si l’imprimerie pouvait assurer ses services par des sujets capables extraits de son sein ! Le soleil luit pour tout le monde, dit-on. Eh oui ! Mais, par certains côtés, il cesse de luire pour beaucoup de nous. Est-ce en mêlant les professions[1], les croisant, les abâtardissant qu’on arrivera à un résultat pratique ? On prépare l’anarchie, pas autre chose[2]. »

Depuis que l’imprimerie est « au monde », le chiffre est innombrable de ces « étudiants en mal de bachot qui se sont greffés sur elle comme le gui sur le chêne », et certes on doit reconnaître — nous en avons donné suffisamment d’exemples — que quelques-uns firent plus qu’honorable figure dans leur nouvelle situation. Mais de combien de ces « hérétiques » les historiens peuvent-ils dire qu’ils ont joui « d’une situation prépondérante là où le prote n’a su que garder le collier » ? Pour combien de protes « le soleil a-t-il cessé de luire » au profit de ces métis, de ces bâtards instruits qui aux plis de leur manteau ont apporté l’anarchie dans la profession ?

Du prote qui éprouve des sentiments semblables on ne peut dire qu’il est « le premier des ouvriers » et qu’il possède l’étoffe d’un chef ; loin qu’il soit le maître de sa « monture », à tout instant ses subordonnés sont capables « de le désarçonner[3] ». Il est à craindre que, si le recrutement du personnel lui est confié, ce trembleur qui prétend étouffer sa faiblesse sous la force de son habileté, loin de mettre the right man in the right place, ne donne la préférence à l’ignorant, à l’incapable, pour sauvegarder une situation qu’il croira toujours menacée. Cet homme ne sera jamais l’aller ego du patron : incapable de tenir en un juste équilibre le plateau ouvrier de la balance industrielle qui lui est confiée, il ne méritera en aucun temps la confiance du maître imprimeur, encore moins celle des « compagnons » ; loin d’être un guide,

    curieux, et cortes inédit, de voir les protes soutenir pour leur compte personnel les théories extrémistes qu’ils blâment si vivement lorsqu’elles prennent naissance et se développent chez leurs subordonnés.

  1. Ch. Ifan nous paraît, pour faire aboutir sa thèse, vouloir ignorer systématiquement les services rendus à la typographie par les lettres et les sciences. Que serait l’imprimerie si ces fées bienfaisantes, après l’avoir nourrie et guidée dès son berceau, ne l’avaient encouragée dans sa marche parfois chancelante ? Et que seraient devenues ces fées si l’imprimerie n’avait existé ? D’elles-mêmes les professions ne se sont-elles point obligatoirement « mêlées » ?
  2. Ch. Ifan, le Prote, p. 24.
  3. D’après une comparaison de Ch. Ifan (le Prote, p. 38). — Nous conseillons à nos collègues la lecture du chapitre De la Correction (le Prote, p. 27).