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RECRUTEMENT
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Aucun n’échappe à la critique, l’Imprimerie Nationale moins que tout autre.

Parmi les dires que l’on colporte sur, cette institution, il en est un qui ne manquait pas de piquant : on prétendait que le Règlement pour le recrutement des correcteurs avait été éludé et que l’on avait remplacé le concours exigé par un semblant d’examen, grâce auquel un ouvrier chapelier venait de se voir désigné pour ce poste de correcteur auquel il n’était nullement préparé.

Nous avons demandé à M. Dupré, directeur de l’Imprimerie Nationale, ce qu’il fallait croire de cette histoire.

« Rien, nous a-t-il répondu.

« D’abord, aucun texte de notre Règlement ne dit que les correcteurs seront recrutés par voie de concours public.

« Pourtant nos correcteurs sont très soigneusement recrutés, et l’on ne prend pas, comme on semble l’insinuer, les plus chaudement recommandés. Ils sont choisis parmi nos lecteurs d’épreuves, un tour à l’ancienneté et un tour au concours entre eux. Aucun abus ne peut se produire, grâce aux précautions que nous prenons.

« Quant à nos lecteurs d’épreuves, ils doivent passer un sérieux examen d’admission. Plusieurs sont munis de diplômes universitaires, et le dernier entré est licencié ès lettres.

« De là à l’ouvrier chapelier dont on parle il y a loin.

« On nous a reproché également d’avoir, parmi nos employés détachés au service des brevets du Conservatoire des Arts et Métiers, un jeune homme qui poursuit ses études de droit. Mais en quoi cela peut-il nous gêner qu’un employé fasse son droit, si notre service ne souffre pas de ses études ? Nous ne pouvons, au contraire, que le féliciter. »

Et, après ces déclarations, nous ne pouvons manquer d’être convaincu que tout se passe correctement chez les correcteurs.

Les cocasseries signalées par le Gaulois ne manquaient pas de sel. Nous nous étions demandé s’il n’y avait pas lieu de les considérer comme une boutade de postulant fatigué d’attendre. Le Ruy-Blas en date du 22 octobre dissipa notre perplexité en publiant, sous le titre Népotisme, un article dont nous reproduisons l’alinéa suivant :

M. le Directeur feint de s’indigner, notamment, qu’on ait osé prétendre qu’un ex-ouvrier chapelier occupait, à l’Imprimerie, un emploi de correcteur. Il a presque raison, M. le Directeur. Car nous avons découvert, à la suite d’une courte enquête, que le correcteur visé n’est pas un ancien chapelier, en effet, mais un ancien tailleur de Villeneuve-d’Agen, patrie de M. Chaumié déjà nommé. Ce chevalier de l’aiguille a d’ailleurs dans l’Établissement un frère, pourvu d’un emploi supérieur. Tous les deux ont pénétré là par faveur, c’est-à-dire sans titre ni droit — ni passé professionnel, — en faisant la nique au concours…

Étrange administration, en vérité ! Mentalité plus étrange encore,