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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

temps que l’homme de confiance du patron, « le premier des ouvriers », ainsi que son nom l’indique. Ce chef « sorti du rang » était dès lors tenu de posséder une double instruction[1] : technique, car il devait connaître suffisamment « l’ensemble du métier pour être capable de guider l’ouvrage des compositeurs et des imprimeurs » ; littéraire, puisqu’il lui était indispensable pour la correction de savoir « l’orthographe, le latin, le grec, les termes scientifiques ». Il possédait l’une avant son entrée dans la profession, tout comme le déclassé de nos jours ; il avait acquis l’autre par un long apprentissage de quatre ou cinq années, apprentissage sans lequel il ne lui eût pas été possible de devenir compagnon et d’accéder à la situation qu’il occupait.

Ainsi, au temps où l’imprimerie était soumise au contrôle rigoureux de la Chambre syndicale et des maîtres jurés, le recrutement des correcteurs avait lieu dans des conditions analogues à celles que nous rencontrons aujourd’hui : l’érudit — appelé de nos jours le déclassé — acceptait parfois une fonction à laquelle ne l’avait nullement préparé une situation antérieure, fonction qu’il remplissait cependant avec une sûreté remarquable après quelque temps d’étude et d’efforts ; d’autres fois, un lettré préludait par un apprentissage de plusieurs années à l’accomplissement d’une tâche dont pour l’avenir il voulait faire son gagne-pain ; enfin, un compagnon, que ses capacités professionnelles distinguaient entre tous, assumait, en même temps que la direction technique, la maîtrise littéraire de l’atelier.

Notre époque n’a rien innové, on le voit ; et les affirmations de certains en ce qui concerne les connaissances exigées de tous les correcteurs au temps des corporations et des jurandes pourraient paraître tendancieuses. Mais il nous plaît de supposer que, dans la pensée de leurs auteurs, ces allégations furent plutôt un stimulant qui devait inciter l’intéressé à acquérir, le patron à exiger une instruction plus étendue, des capacités professionnelles plus sûres. Envisageons d’abord, en ce qui concerne ce dernier point, le but à atteindre.

  1. Voir également sur ce même sujet le paragraphe Instruction (p. 97).