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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

professionnel doit donc imposer à ce déclassé un apprentissage comme compositeur[1].

Mais que faut-il apprendre à ce correcteur apprenti ? Est-il nécessaire de lui inculquer toutes les connaissances données à l’apprenti compositeur ? — L’affirmative n’est pas douteuse ; un apprentissage au cours duquel le futur correcteur ne parcourrait point le cycle complet des opérations qui constituent l’instruction technique d’un professionnel ne serait qu’un semblant d’apprentissage.

Non point qu’il soit utile que l’apprenti correcteur, dès son entrée à l’atelier, range des interlignes, compose du pâté, prépare des porte-pages et même, par une réminiscence des anciennes obligations de l’apprenti,… « balaye l’atelier ». Ces « menus travaux », nécessaires pour la propreté et le bon ordre du matériel, ne sont pas indispensables à l’éducation professionnelle du correcteur. On peut supposer, sans crainte d’erreur, que celui-ci ne sera jamais appelé à présider au rangement du matériel de l’imprimerie. L’ordre et la méthode — qualités qui souvent sont innées, mais que l’on peut aussi acquérir, et que le correcteur doit posséder à un rare degré pour la correction de ses épreuves — ne sauraient souffrir de ce modeste manquement à des usages typographiques aujourd’hui désuets.

  1. On nous objecte : « Un recrutement comme celui que vous envisagez aurait pour résultat d’écarter de la correction des sujets qui lui auraient peut-être fait honneur. — Les travaux de la casse, du marbre, de la mise en pages, de la correction sous presse demandent des aptitudes physiques que n’auraient pas tous les candidats. — Sans aller jusqu’à dire que la correction doive être un refuge pour tous les malingres, pour tous ceux qui sont disgraciés du côté de la santé, je pense qu’elle est le métier de choix, au point de vue physique s’entend, pour ceux que… différentes infirmités rendent impropres aux travaux de force, d’adresse ou de dextérité, surtout s’ils se prolongent… » (M. L.)

    Notre but n’est pas « d’écarter de la correction les sujets qui peuvent lui faire honneur » ; tout au contraire souhaitons-nous que tous ceux qui désirent embrasser cette profession puissent l’exercer avec profit pour l’art et pour les lettres. — Combien en est-il parmi ces malingres, ces disgraciés de la santé, dont la cause ne nous intéresse pas moins que tous autres, qui ne puissent durant plusieurs semaines « tenir un composteur », suivre les travaux d’une mise en placards ou en pages, assister et aider à quelques impositions. Oh ! nous n’exigeons pas que l’apprenti correcteur « monte » les formes sur le marbre, les « sonde » et « donne la main » pour les descendre aux presses. — D’ailleurs, nous n’avons point posé de règles précises pour la durée, journalière ou mensuelle, de l’apprentissage : celle-ci sera longue ou brève, selon les capacités et l’aptitude des sujets eux-mêmes ; ne supposons-nous pas qu’elle peut être coupée de périodes au cours desquelles le candidat, tout en prouvant ses capacités littéraires, pourra se remettre de ses fatigues physiques ?