Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/203

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parmi eux. La « fièvre correctionnelle » n’est pas nouvelle ; elle eut souvent des conséquences inattendues, et toujours certains considérèrent le refus de leur octroyer un modeste tabouret comme un signe manifeste de disgrâce sensible. Qu’importe cette attitude au correcteur, puisqu’il n’est point le distributeur des faveurs patronales ni le conseiller du chef d’atelier ! Il a certes d’autres soucis, d’autres sentiments.

Si l’on ne peut dire du correcteur qu’il est le « frère jumeau du compositeur », puisqu’il est né bien avant lui, de manière plus générale typographe et correcteur sont bien « deux compagnons attelés à un rude et incessant labeur ». Les hasards du travail opposent parfois l’un à l’autre ces artisans d’une même œuvre ; mais les divergences sont de peu de durée, la conversation est courtoise, et la discussion ne surgit que de la façon dont chacun envisage les améliorations à apporter à l’œuvre commune. Animés d’un égal esprit de conciliation et de dévouement, les deux compagnons rapidement trouvent la solution convenable, donnant également satisfaction à leur désir du Bien et du Beau.

D’une éducation convenable, le correcteur ne saurait recourir à ces coups de langue, trop souvent des « couacs », que les forts de la Halle eux-mêmes réprouvent. Les rois ont une politesse particulière qui est celle de l’exactitude ; les correcteurs en ont une autre, non moins précieuse, personne ne peut le contredire, qui est celle d’une langue châtiée et d’un français correct.

Les distinctions de classes sociales ne sont point pour modifier l’attitude du correcteur. Quelle que soit dans la hiérarchie typographique la situation de son interlocuteur, il fait preuve d’une égale urbanité et d’une politesse d’où la rudesse est toujours absente : l’apprenti, l’ouvrier, le metteur ont droit, toutes proportions gardées, aux mêmes égards, aux mêmes prévenances.

Les bonnes relations entre tous et avec tous ne peuvent en effet que faciliter la tâche du correcteur. Des renseignements qui lui sont donnés avec plaisir, des explications qu’il obtient sans peine, il compose un ensemble qui contribue à lui procurer une impression très nette de sécurité parfaite dans son travail ; la célérité de sa lecture en est grandement accrue : toutes choses que le patron non seulement doit