Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/319

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On ne sait exactement pour quelle raison les premiers typographes ne suivirent point les errements anciens et créèrent, pour indiquer une suppression, un signe nouveau, le deleatur, dont la forme et l’origine seront étudiées plus loin. Sans doute, ils estimèrent que le point n’était pas suffisamment explicite et pouvait prêter à confusion. Mais, cette constatation faite, il n’est que plus surprenant de voir ces mêmes typographes reprendre l’exponctuation et lui attribuer le sens opposé à celui qui lui avait été donné par les copistes : « pour indiquer qu’une correction a été faite par erreur et que le mot ou les lettres doivent être conservés sans changement », ils soulignèrent ce mot ou ces lettres d’une série de points.

— ” Deux petits traits ” imitant les guillemets[1] indiquent que l’ordre des mots doit être renversé. Ainsi ” adeos doit être lu eos ad[2].

La signification de ce signe ne s’imposait point avec force à l’esprit. Une sigle, dont l’emploi, d’ailleurs, était non moins courant que celui des « deux petits traits », lui fut substituée, à laquelle on apporta, soit dès le début, soit au cours des années, de légères modifications.

— Quand les corrections sont mises dans la marge, ou, quand il s’agit d’une charte, au bas de la feuille de parchemin, les renvois se font à l’aide de petits guillemets ou de croix de formes diverses[3].

Les « petits guillemets » ne sont plus, de nos jours, employés en ce sens ; mais la barre verticale de renvoi et les différenciations qu’elle subit, suivant les besoins, sont bien des imitations serviles des « croix de diverses formes ». Il est nécessaire de faire remarquer que les pays d’outre Atlantique, l’Angleterre et l’Amérique notamment, ont conservé l’emploi des croix de formes diverses, auxquelles sont venus se joindre les astérisques, pour leurs renvois de notes.

Ces quelques exemples pourraient être accompagnés d’autres non moins probants ; mais cette étude sommaire s’étendrait bien au delà des limites permises ; quelques notes ultérieures donneront d’ailleurs des preuves nouvelles de l’origine ancienne des signes de correction.

Dans son Dictionnaire typographique (1903), M. E. Morin écrit (p. 89, 1re col., v° Corrections) : … « La correction sur l’épreuve se fait, par le correcteur, au moyen de signes conventionnels qui ont peu changé depuis le xviiie siècle et qui sont probablement antérieurs. » — « Qui ont peu changé », dit M. Morin ; nous affirmerions plus volontiers : « qui n’ont pas changé » ; il suffit en effet d’examiner les quelques signes de correction donnés par Bertrand-Quinquet à la fin de son Traité de l’Imprimerie[4] pour se convaincre que nous utilisons encore ces signes

  1. Guillemets allemands actuels.
  2. M. Prou, Manuel de Paléographie latine et française du vie au xviie siècle.
  3. Id., ibid.
  4. « Au bas de la planche IX on voit les signes usités pour la correction des épreuves. Lorsqu’il y a des mots, des phrases oubliés, on les indique par des renvois,