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A. — Considération accordée aux correcteurs
aux premiers siècles après l’invention de l’imprimerie


Les lettrés qui, dès l’introduction de l’imprimerie en France, exercèrent les fonctions de correcteur, « ne faisaient pas partie du personnel de la Maison, comme de nos jours. C’étaient de graves docteurs, des professeurs en renom, voire même des personnages d’un certain rang, qui ne dédaignaient pas de prêter leur concours à la typographie naissante et s’y intéressaient d’une manière particulière. Tels furent Jean de La Pierre, recteur de l’Université et prieur de la Sorbonne ; Guillaume Fichet, qui avait été chargé de missions diplomatiques par Louis XI ; Louis de Rochechouart, évêque de Saintes ; Gilles de Delft, docteur de Sorbonne, et d’autres encore. »

Ces savants ne prétendaient point tirer de ce travail matériel le moindre gain ; ils ne pouvaient dès lors songer, de la part de leurs compagnons typographes, qu’à des manifestations de réelle reconnaissance pour l’aide apportée au travail.

Il est curieux de connaître comment, à notre sens, Gering et ses compagnons, accueillis à la Sorbonne et aidés par La Pierre avec l’empressement que nous connaissons, témoignèrent au prieur leurs sentiments de gratitude. — La Pierre devait revoir lui-même les textes qu’on allait imprimer ; il avait une vue mauvaise, épuisée par les veilles et l’étude. Pour soulager la fatigue qui devait résulter du travail pénible, absorbant, de la correction, les imprimeurs abandonnèrent la lettre de forme gothique généralement en usage, à cette époque, dans les manuscrits, à Paris : ils « firent choix d’un gros caractère, rond, très lisible, ne fatiguant pas les yeux[1] », bien que le texte fût

  1. Claudin, Histoire de l’Imprimerie en France, t. I, p. 20.
    xxxx Les premiers typographes avaient compris qu’ils ne triompheraient de l’hostilité violente qu’allait soulever dans la corporation des copistes la découverte de l’imprimerie qu’en donnant à leurs productions l’aspect des manuscrits qu’ils voulaient remplacer, et surtout en imitant leur écriture. À l’époque où Gutenberg réussit à mettre au jour ses premières œuvres, la forme de la lettre manuscrite était, en Allemagne, exclusivement gothique ; en Italie, elle était romane ; en France, le goût d’alors était en faveur de l’écriture gothique.
    xxxx Nous savons pourquoi Friburger, Gering et Crantz, à l’encontre des habitudes de