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des apprentis, bien plus même la défense de recevoir des apprentis portée, de 1724 à 1761, par la Communauté des Libraires et Imprimeurs ne donnèrent point satisfaction aux compagnons : ce qu’ils désiraient, en fait, était une diminution de la main-d’œuvre qui obligerait les patrons à offrir des salaires plus élevés aux ouvriers maîtres désormais du « marché de l’offre ». L’apparition des alloués vint déjouer cette combinaison, et le nombre de ces derniers qui s’éleva assez rapidement après la décision de 1713 ne fut pas sans inquiéter les compagnons. En 1751, dans un Mémoire à Monseigneur le Chancelier, M. de Malesherbes, ils réclament contre la situation : « ils demandent que la défense de faire des apprentis soit levée et qu’on revienne à l’application des anciens règlements ». Ils donnent de leur sentiment une raison et un avantage qui ne sont point pour nous déplaire, mais qui se trouvent, circonstance étrange, être les mêmes que ceux au nom desquels ces mêmes compagnons réclamaient la limitation : « Quel avantage pour l’impression si de semblables sujets[1] parvenaient à la maîtrise, il ne paraîtrait plus que des ouvrages corrects ! Remettre en vigueur les règlements qui composent ces conditions, c’est ajouter un nouvel éclat à la littérature et à la gloire de la nation. » — Les maîtres ne se laissèrent point convaincre par ces raisons et ils ripostèrent avec quelque vivacité : « Que si, néantmoins, il se pratique dans quelques imprimeries chose qui puisse préjudicier au bon ordre et à la perfection de l’art, M. de Malesherbes est supplié de renvoyer les ouvriers complaignans à la Chambre syndicale pour y déduire leurs plaintes et leurs raisons[2]. »


Maintes personnes étrangères à l’imprimerie ne témoignaient pas moins de sollicitude et de souci d’une bonne correction des livres, et apportèrent sous ce rapport un appui précieux aux compagnons dans leur lutte contre les alloués :

L’abbé Blondel, dans un ouvrage paru en 1725 et intitulé Mémoire sur les vexations qu’exercent les libraires et les imprimeurs de Paris, appréciait plutôt sévèrement la conduite des maîtres « qui n’avaient qu’un but, par l’admission des alloués, celui de s’enrichir, sans se soucier de la beauté ou de la perfection de leurs impressions ». Il

  1. Les apprentis qui devaient connaître le latin et savoir, au moins, lire le grec.
  2. D’après J. Radiguer.