Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/536

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par celles de leur intérêt personnel, et ils se trouvent imprimeurs par spéculation. Tous les efforts, tous les mouvements de l’atelier ne doivent tendre selon eux qu’à leur jouissance exclusive : ils ne voient ici que des machines, ils ne jettent pas un regard de bonté sur les forces qui les font mouvoir. Ici c’est un artiste sobre et instruit qui dirige la masse générale[1], là c’est un savant et laborieux correcteur dont toute l’attention se porte sur des épreuves d’ouvrages compliqués et souvent en différentes langues : un regard dédaigneux est souvent le prix de l’instruction qu’ils en reçoivent ; ces propriétaires ne savent et ne voient pas que cet art exige pour sa pratique la plus grande tranquillité d’esprit, qu’il faut à l’artiste une attention soutenue sur chaque mouvement qu’il produit, et dont tous les résultats sont combinés ; ils ne savent qu’il faut lui faire un sort assez doux pour que ses distractions ne préjudicient pas à la perfection de ses travaux. J’ai porté mon attention sur le plus grand nombre : j’ai vu qu’ils quittent peu les ateliers qui ont accueilli leurs premiers essais, et que, par reconnaissance, ils s’attachent à la fortune de leurs bienfaiteurs… Si huit années d’injustice ou d’oubli sur cette classe de citoyens utiles peuvent être réparées, il est temps de les rappeler à leurs titres acquis, de les faire jouir du produit de leurs labeurs, et de les mettre à portée de ne plus lutter avec les besoins en leur offrant le prix de leurs travaux assuré sur des bases incontestables…

« Ennoblissons un peu cet art sur lequel le dédain de l’orgueil s’est souvent plu à se reposer. Pourquoi les maîtres imprimeurs ne traitent-ils pas leurs principaux ouvriers comme les chefs d’administration traitent leurs expéditionnaires ; les banquiers et les négociants, leurs commis ? Pourquoi cette manière de les salarier à tant par jour ? Que ne fixent-ils l’époque de leurs honoraires par an, payables par mois ? Ces formes extérieures seraient plus décentes, et le mode de travail offrirait pour les uns et pour les autres des moyens plus confiants, parce qu’ils approcheraient les prétendues distances ; en effet, qu’est-ce qu’un ouvrier imprimeur, si ce n’est un commis qui se sert de voies plus expéditives que celle de la plume, usitée dans les bureaux, et qui multiplie rapidement les expéditions des minutes qui lui sont confiées[2]. »

  1. Le prote.
  2. Couret de Villeneuve, Barème typographique, p. 7, 8 et suiv. (Bib. Nat., nouv. acq. franc. 4664), en 1797.