Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/542

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de ces travailleurs modestes. Le 24 novembre 1910, M. Louis Marin, député de Meurthe-et-Moselle, n’avait pas craint de dire tout haut, à la tribune de la Chambre, ce que nombre de correcteurs pensaient tout bas, et il illustrait ses paroles de cet exemple : « M. Guérinot[1] a débuté (à l’Imprimerie Nationale), il y a huit ans, à raison de 10 francs par jour ; puis, son traitement est monté à 12 francs ; il est actuellement à 13 francs par jour ; de plus, étant payé à la journée, M. Guérinot n’est pas même commissionné. Non seulement il ne fait pas partie du personnel des cadres, mais depuis la publication du décret de 1908 on pourrait même se demander si sa situation est régulière. Le décret ne permet pas de donner plus de 12 francs à la journée ; on lui donne 13 francs parce qu’on sait qu’il mérite bien au delà ; mais l’Administration s’honorerait en lui faisant une situation régulière et meilleure. »

Pour compléter cet exposé par au moins un fait non officiel, on nous permettra de citer les lignes suivantes qu’un correcteur « grincheux » écrivait, en juillet 1913, dans la Circulaire des Protes :

« Le patron consciencieux reconnaît la valeur du correcteur, il sait qu’il est au même titre que prote et typos un des gros rouages de son imprimerie ; il voit en lui un auxiliaire précieux, et non les « frais généraux » ; aussi sait-il récompenser ses bons services par quelques surprises agréables telles que : gratifications à la fin de l’année en guise d’étrennes ; congés de huit ou quinze jours payés ; jours de maladie payés, etc., etc. ; en agissant ainsi, il sait attacher à sa Maison un collaborateur zélé et sérieux, sur qui il peut compter en tout temps. Je connais quelques-unes de ces imprimeries ; malheureusement elles sont rares.

« Par contre, nous avons des imprimeries très importantes dont le correcteur est à l’heure, à raison de 0 fr. 50 ou 0 fr. 55, alors que le typo a 0 fr. 60 ou 0 fr. 65 ; il est seul pour corriger la composition de 30 ou 35 hommes, faire la revision des tierces, et, comme on craint de le laisser inoccupé et, de ce fait, gagner son argent à ne rien faire, on lui donne, chaque samedi, les bordereaux des hommes aux pièces à vérifier.

« Dans une ville de l’Est, où la vie est excessivement chère, j’ai connu un correcteur marié et père de famille, touchant, pour douze, treize, voire même quelquefois seize heures de travail, la petite fortune

  1. Voir page 144.