Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/557

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maîtres et ouvriers se conformaient à cette prescription : chaque semaine, les maîtres devaient déclarer à la Communauté le nom des compagnons entrés dans leurs ateliers ou sortis.

Le 9 octobre 1724, un nouveau règlement et, le 27 août 1731, un nouvel arrêt du Conseil ordonnaient l’observation des prescriptions antérieures — dont maîtres et compagnons, en des modes différents, se plaignaient avec amertume — et aggravaient les pénalités.

Malgré toutes les ordonnances la situation resta la même : la résistance passive des compagnons mit en échec la volonté royale[1] ; le mauvais vouloir ou l’inertie de certains maîtres heurta de front les décisions de la Communauté[2]. Désireux d’en finir avec les abus qui, d’après le Pouvoir, « venaient moins de l’insuffisance des règlements que de leur inexécution[3] », le Conseil privé, en réponse à une demande

  1. 1. Voici en quels termes sévères un auteur inconnu — bien que l’ouvrage que nous avons eu entre les mains soit anonyme et ne comporte pas de privilège, nous supposons qu’il s’agit ici de Marchand — appréciait en 1740 la situation créée au monde des lettres par l’attitude des compositeurs et des compagnons imprimeurs : « Enfin, quelque soin que j’eusse pris, pour qu’il [ce livre] parust comme il le devoit, aux foires de Francfort et de Leipsic de 1739, la lenteur et la dissipation des ouvriers l’a fait trainer jusqu’à la fin de ce mois de mars de la présente année 1740 : retardement fâcheux dont je suis obligé de me plaindre publiquement ici, afin de ne point me trouver en contradiction avec moi-même ; et mauvais procédé tout-à-fait propre à confirmer les plaintes continuelles des gens de lettres concernant les abus de l’imprimerie. — Ce 31 mars 1740. » (Histoire de l’origine et des premiers progrès de l’Imprimerie, Avertissemens, p. xii. À La Haye, ches la Veuve Le Vier et Pierre Paupie, MDCCXL.)
    xxxx Un demi-siècle plus tard, Bertrand-Quinquet écrivait à son tour, en situant les responsabilités : « Un vieux proverbe, qui n’est pas tout à fait dénué de fondement, dit : ouvrier en conscience, ouvrier sans conscience ; c’est la faute du maître, presque toujours, quand ce malheur arrive. C’est par son exemple qu’il doit donner à tous ses coopérateurs une impulsion vigoureuse ; il ne doit pas souffrir le paresseux frelon au milieu des laborieuses abeilles ; en le chassant promptement de la ruche, on évite bien des dangers. Diligence, activité, telle doit être la devise d’une bonne imprimerie. »
  2. Dans son ouvrage intitulé Maitres imprimeurs et Ouvriers typographes, M. Louis Radiguer fait un résumé pittoresque et intéressant des luttes que les compagnons soutinrent et contre le Pouvoir royal et contre les maitres. Ce travail nous a été d’une réelle utilité dans l’étude que nous avons entreprise sur ce sujet aussi spécial que l’est celui du correcteur d’imprimerie.
  3. Voici les termes mêmes du prologue de l’Arrêt du Conseil du roi portant Règlement de discipline pour les compagnons imprimeurs, en date du 30 août 1777 : « Sur ce qui a été représenté au roi, étant en son Conseil, par les syndic et adjoints de la Chambre syndicale de Paris, et par quelques imprimeurs de la même ville, que les abus qui résultent de l’inobservation du titre V du Règlement de 1723, tant de la part des maîtres que de celle des compagnons imprimeurs, nécessiteroient un règlement de discipline, qui, en réprimant les abus, pût servir de loi pour toutes les imprimeries du royaume ; Sa Majesté se seroit fait rendre compte du titre V, et auroit reconnu