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NOTICE
SUR LES
TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.
(Journal des Savants, cahiers d’août et septembre 1852.)

M. Eugène Burnouf, ravi si prématurément à la science, a fait partie, durant vingt années, du Journal des Savants ; et, à ce titre seul déjà, sa mémoire pourrait trouver ici un pieux souvenir, si, d’ailleurs, la grandeur de ses travaux et la féconde originalité de ses découvertes ne méritaient un examen spécial, que nous sommes heureux de lui consacrer. De tous les philologues de notre temps que la mort a frappés, il n’en est peut-être pas un seul dont la postérité tiendra plus de compte que de lui. Tous les sujets qu’il a traités sont immenses ; et, bien qu’il n’ait laissé que des ouvrages inachevés, les résultats obtenus sont tellement importants et tellement sûrs, que la critique ne les ébranlera pas, et que l’histoire devra les enregistrer comme une partie désormais essentielle et incontestable de ses annales. Même dans des études anciennes et dès longtemps cultivées, c’est un mérite bien grand que d’arriver à tant de certitude en s’aidant des efforts de ses devanciers et en les complétant ; mais porter ce degré de précision et cette étendue dans des recherches toutes nouvelles, ne pas faire un faux pas sur un terrain inconnu et si vaste, ne pas s’égarer dans des routes si obscures et si difficiles, c’est une gloire à peu près unique ; et, quelque éclatant que soit l’exemple, il est fort à craindre qu’il ne se reproduise point, et que l’imitation en soit presque impossible. M. Eugène Burnouf avait reçu de la nature des facultés admirables, dont il a su faire le plus utile et le plus persévérant usage. Il a su, de plus, mettre à profit les heureuses circonstances de son éducation philologique ; et il a joint aux inspirations de son génie les leçons paternelles, qui peut-être les avaient éveillées en lui, et qui les ont certainement développées. Grâce à tous ces secours si bien employés, sa carrière, toute abrégée qu’elle fut, aura été pleine ; et ses monuments, s’ils sont incomplets, n’en sont pas moins durables. La méthode qui a servi à les construire pourra servir toujours à en élever d’autres, et l’érudition française, qui compte un tel nombre de noms illustres, peut se montrer fière de cette conquête qui lui promet et lui assure tant de conquêtes ultérieures.

Je ne donnerai que des détails fort courts sur la biographie de M. Eugène Burnouf. Le vrai savant est tout entier dans ses ouvrages ; et ce sont les phases de son