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Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/323

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NOTES.

leux. Quant à Nityôyukta, ce Bôdhisattva est certainement le même que notre Nityôdyukta, sauf l’omission fautive d’une lettre[1].

Le Bôdhisattva Mahâsattva Mâitrêya.] Ce personnage dont le Lotus de la bonne loi fait un des auditeurs de Çâkyamuni, et qui passe pour être parvenu, grâce à la perfection de ses mérites antérieurs, à la dignité de Bôdhisattva, doit paraître un jour en qualité de Buddha et succéder à Çâkya, le Buddha de l’époque actuelle. On trouve deux allusions à cette dernière croyance, qui est admise par les Buddhistes de toutes les écoles, dans notre Lotus même, ch. I, f. 17 b et 18 a, st. 94, et ch. XIV, f. 165 a. On peut voir dans une note du Foe koue ki le résumé sommaire de la légende relative à la venue future de Mâitrêya[2]. Mais la mention de ce personnage dans le Lotus, sous le double caractère d’auditeur de Çâkyamuni et de Bôdhisattva, donne lieu à une observation qui n’est pas sans intérêt pour l’histoire des Sûtras développés, ainsi que je l’ai indiqué ailleurs[3]. Si Mâitrêya est appelé par ses mérites et par la consécration des Buddhas antérieurs à succéder à Çâkyamuni, il doit se trouver, comme le disent les légendes, au milieu des Dêvas Tuchitas ; car suivant le thème religieux adopté pour tous les Buddhas, c’est du milieu de ces Dêvas que revient au monde tout Bôdhisattva qui a la mission de renaître en qualité de Buddha. Le Lotus même nous fournit un passage tout à fait conforme à cette donnée, d’après lequel nous apprenons que Mâitrêya réside au milieu des Dêvas Tuchitas[4]. Mais si selon ce passage où Çâkyamuni est le narrateur, Mâitrêya est chez les Tuchitas, comment peut-il se trouver au milieu de l’Assemblée devant laquelle se prêche le Lotus de la bonne loi ? Que l’on pose cette question à un Buddhiste du Nord, il y répondra sans doute par un appel à la puissance surhumaine des Bôdhisattvas, et dira que Mâitrêya est miraculeusement descendu du ciel des Tuchitas pour venir s’asseoir parmi les auditeurs du Buddha Çâkyamuni. Je doute cependant qu’un Buddhiste de Ceylan trouvât une pareille réponse, par la raison que la question ne pourrait lui être faite. Je ne crois pas en effet qu’on puisse rencontrer dans les Suttas pâlis conservés à Ceylan un seul exemple de ces merveilleux voyages que font les Bôdhisattvas pour se rendre aux Assemblées de Çâkyamuni. C’est un trait caractéristique et tout à fait propre à distinguer les Sûtras développés des Sûtras simples. On voit dans ces derniers Sûtras, à la classe desquels appartient tout ce que je connais de Suttas pâlis, Çâkya parlant à des Dêvas qui restent invisibles pour les autres membres de l’Assemblée, tandis qu’ils se laissent voir à son regard divin ; mais au nombre de ces Dêvas ne paraissent jamais les Bôdhisattvas. J’en conclus que le système si fréquemment développé dans les grands Sûtras du Nord n’était pas encore inventé au temps de la rédaction des Sûtras simples ; et cette conclusion me paraît d’autant plus fondée, que la présence miraculeuse des Dêvas étant admise par les rédacteurs des Sûtras simples, il ne leur en eût pas coûté beaucoup d’y mêler les Bôdhisattvas, si la tradition leur eût appris que cette classe de personnages assistait en réalité aux Assemblées de Çâkya. Je vais plus loin encore, et je dis que ce système est inconciliable

  1. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 4.
  2. Foe koue ki, p. 33 et 34.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 109.
  4. Ch. xxvi, f. 245 a.