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CHAPITRE PREMIER.

Jusqu’au grand Enfer Avîtchi, etc.] Sur cet Enfer qui est le dernier des huit Enfers brûlants, voyez une note du Foe koue ki, p. 299, et aussi l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 201 et 202. L’enfer Avîtchi est le point le plus déclive d’un monde, comme la limite de l’existence en est le point le plus élevé. Appliquées à ces dix-huit mille terres de Buddha, c’est-à-dire à ces dix-huit mille mondes fabuleux qu’on suppose chacun sous la direction tutélaire d’un Buddha, ces expressions signifient que ces mondes furent entièrement illuminés depuis le haut jusqu’en bas. Quant à ce que j’ai traduit ici par « jusqu’aux limites de l’existence, » et ailleurs « jusqu’aux lieux où commence l’existence, » c’est l’expression bhavâgra, qu’il serait plus exact de rendre par « le point culminant de l’existence, » littéralement le sommet de l’existence, ou comme je l’ai dit plus bas, st. 5, « la limite extrême où finit l’existence ; » ce sommet est celui du dernier étage du monde sans forme, qui est la partie la plus élevée des mondes superposés[1]. On trouve encore dans quelques textes, mais autant que je le puis croire jusqu’ici, dans des textes plus modernes, une autre expression qui paraît au premier abord synonyme de bhavâgra, mais qui en diffère par l’application qu’on en fait. C’est le terme de bhûtakôṭi qui est synonyme du Vide selon le Saddharma Lag͂kâvatâra[2] ; dans cette acception, il est probable que bhûtakôṭi signifie « le bout, l’extrémité de ce qui est » non pas inclusivement, mais exclusivement, de manière qu’avant la première chose qui est, on ne voie encore que le vide. Au reste quand même cette explication devrait être reconnue inexacte ou insuffisante, il n’en resterait pas moins à peu près certain que bhûtakôṭi, par cela seul qu’il est synonyme de çunyatâ, « la vacuité, » ne peut l’être de bhavâgra, dont le sens a été suffisamment déterminé par ce qui précède.

Les six voies de l’existence.] Ce sont les six conditions d’existence pour les êtres sensibles ; on les nomme gati, « voies, » parce que c’est par elles que va, que marche l’homme, c’est-à-dire que s’opère la transmigration du principe intelligent et sensible. Les six voies sont ainsi énumérées dans toutes les écoles : 1o celle des Dêvas, ou habitants des cieux ; 2° celle des hommes ; 3° celle des génies, comme les Gandharvas, les Kinnaras, les Yakchas, les Asuras et autres ; 4° celle des Prêtas ou démons faméliques ; 5° celle des brutes ; 6° celle des habitants des Enfers ou damnés[3]. Nous verrons plus bas, chap. V, fol. 73 a, que l’on n’en compte quelquefois que cinq dans le texte même de notre Saddharma puṇḍarîka. Ces six conditions se divisent en deux classes, la première formée de deux conditions qui sont bonnes, la seconde formée des quatre autres conditions qui sont mauvaises[4]. Au nombre de ces quatre mauvaises conditions, A. Rémusat met la condition humaine[5]. Mais ce doit être une erreur, car la plupart des autorités s’accordent à placer l’homme au second rang dans l’échelle des êtres. Les Buddhistes du Sud

  1. Rémusat, Essai sur la cosmographie et la cosmog. Buddh. dans Mélanges posthumes, p. 91.
  2. Saddharma Lag͂kâvatâra, f. 57 b, man. Bibl. nat.
  3. Des Hauterayes, Rech. sur la relig. de Fo, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 45 et 312 ; Rémusat, Mél. posth. p. 80 et 92 ; Klaproth, dans le Foe koue ki, p. 288, note. Voyez ci-dessous, chap. 11, fol. 29 b, st. 63.
  4. Des Hauterayes, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 45.
  5. Rémusat, Mélanges posthumes, p. 113.