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CHAPITRE PREMIER.

où, selon l’Abhidhâna ppadîpikâ, le substantif adhikaraṇa signifie « le désir exprimé par quelqu’un ayant le pouvoir d’obtenir ce qui fait l’objet de ses vœux[1]. » Si cette supposition venait à se confirmer, il faudrait adopter la traduction suivante : « Voici Mañdjuçrî Kumâra qui a exprimé ses vœux sous les anciens Djinas. ». Ce même mot a encore une autre acception, mais que j’ai lieu de croire plus rare, car je ne l’ai encore rencontrée que dans un seul passage, dans un fragment du Sâra sag̃gaka, publié par Spiegel. Suivant ce texte, adhikâra signifie « le don, l’offrande » (paritchtchâga), pur exemple, le don de son corps, de sa vie que fait un homme en exprimant le désir de devenir un jour un Buddha. L’adhikâra fait partie des conditions sans lesquelles nul ne peut parvenir à cet état sublime[2]. Comme, il s’agit ici justement de Bôdhisattvas, j’ai cru que je ne pouvais pas omettre de mentionner ce sens ; mais il se peut qu’il rentre dans le précédent, celui de « vœu, désir, » avec cette nuance spéciale, que dans l’adhikâra du texte de Spiegel l’objet du vœu serait exprimé.

Il aura profité des grands entretiens d’autrefois sur la loi.] Comme le texte se sert du mot anubhûtâni, « perçus, » il serait plus exact de traduire, « il aura compris les grands entretiens d’autrefois sur la loi. »

f. 6 b.St. 5. Qui en sortent.] Le texte se sert ici d’une expression propre au sanscrit buddhique, et qui se retrouve également dans les textes pâlis ; c’est le radical tchyu, littéralement tomber, qui, par une extension de sens dont on peut suivre la marche dans le sanscrit classique, prend la signification de sortir du monde, c’est-à-dire mourir. On emploie plus ordinairement ce verbe avec un terme déterminatif du lieu où se trouve le sujet auquel on l’applique ; ainsi on ne dit pas seulement tchyutaḥ, « étant tombé, » pour dire « étant mort, » mais en ajoutant tataḥ, on dit tataçtchyataḥ, « étant tombé d’ici, étant sorti de ce monde. » J’en trouve plusieurs exemples dans les textes pâlis ; je me contenterai d’en citer un qui me paraît très-caractéristique. Au commencement d’une des légendes contenues dans la collection dite Rasavâhinî, « le fleuve du goût, » collection dont Spiegel a donné quelques extraits, on trouve le passage suivant : Tatô tchutô dêvalokê nibbatti tassa dvâdasayôdjanikam̃ nakavimânam̃ nibbatti. « Il tomba de ce monde ; revenu dans le monde « des Dêvas, un char céleste de douze Yôdjanas d’étendue servait à ses plaisirs[3]. « Dans un autre passage du même recueil, un Mlêtchha qui a rendu un service à un Pratyêkabuddha, lui adresse la prière suivante : Itô tchavitvâna bhavê bhavê sumahiddhikô dhanavâ sîlavâtcha saddhô, mudu dânapatitcha hutvâ saggâpavaggam abhisambhuṇêyyanti. « Étant tombé d’ici, puissé-je, après avoir été dans chacune de mes existences très-fortuné, possesseur d’une « grande puissance magique, riche, vertueux, plein de foi, doux, libéral, obtenir la délivrance céleste[4] ! » On trouvera d’autres exemples de cette expression dans les fragments publiés par Spiegel, avec quelques renvois au texte du Mahâvam̃sa[5].

  1. Abhidhâna ppadîpikâ, l. III, c. iii, st. 91, éd. Clough, p. 115.
  2. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 63 et 64.
  3. Rasavâhinî, f. 131 a de mon man.
  4. Ibid. f. 100 b.
  5. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 64 et 67.