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NOTES.

Je puis toujours conclure de ces divers rapprochements que la force ou la puissance dont il est parlé ici est celle des Buddhas, puisque le passage tout entier de notre texte est consacré à dire qu’eux seuls connaissent toutes les lois, ou tous les êtres.

Vient ensuite l’intrépidité, ou mieux la confiance, dans le texte vâiçâradya. Ce sens que donne le sanscrit classique est confirmé par la version tibétaine mi hdjigs-pa, « l’absence de crainte. » Il semble que nous ayons ici une qualité envisagée d’une manière générale et en quelque façon absolue ; cependant nous verrons ailleurs, ch. xi, f. 140 a, le texte du Lotus citer quatre espèces de confiance ; de même je remarque, f. 19 b, st. 2, que là où j’ai traduit « quelle est leur intrépidité, » le texte porte au pluriel vâiçâradyâçtcha yâdrĭçâḥ. Enfin dans un passage du Mahâvastu que je citerai ailleurs[1], Buddha est dit « confiant des quatre confiances. »

Le terme suivant est plus difficile : c’est âvêṇika que j’avais traduit conjecturalement par homogénéité, me fondant sur l’autorité des Tibétains qui remplacent ordinairement ce terme par ma hdres, « non mêlé. » Je préfère aujourd’hui le sens d’indépendance que j’aurai plus bas l’occasion d’établir dans une note spéciale relative aux dix-huit lois dites âvêṇika[2].

J’ai longtemps hésité sur la manière dont je devais traduire le terme suivant qui se présente ainsi, indriyabala, et qui semble signifier « la force des sens. » La grande vraisemblance de cette interprétation militait en sa faveur ; mais elle avait contre elle la version tibétaine. En effet, cette version voit ici deux attributs, les sens et les forces, entendant sans doute par les sens, des organes exercés et sûrs d’atteindre à leur but, et par les forces, l’une des deux catégories dont je parlais tout à l’heure, à l’occasion du mot bala précédant vâiçâradya. C’est dans ce sens que j’ai traduit, en forçant un peu ma traduction, et disant « la perfection des sens, » au lieu de les sens seuls, ce qui n’eût pas été suffisamment clair.

Quant au mot bala, il ne peut être pris dans la même acception que le bala qui précède le terme de vâiçâradya : si le premier est général, celui-ci doit être spécial, voilà pourquoi j’ai mis « les forces ; » mais il ne m’est pas possible de dire de quelles forces il est ici particulièrement question. On en connaît en effet deux catégories, l’une composée de dix termes et sur laquelle je reviendrai plus bas, l’autre composée de cinq termes, et qui forme la section xxviiie du Vocabulaire pentaglotte. Voici les titres dont elle se compose : çraddhâ balam, la force de la foi ; vîrya balam, la force de la vigueur ; smrĭti balam, la force de la mémoire ; samâdhi balam, la force de la méditation ; pradjñâ balam, la force de la sagesse. C’est là, comme on le voit, une catégorie d’attributs intellectuels, destinés, selon toute apparence, à faciliter l’acquisition de la science parfaite : celui qui est maître de ces forces est certainement plus près de posséder cette science que celui qui ne les pratique pas. Je viens de dire qu’il n’était pas facile de déterminer la catégorie de forces dont il est parlé ici sous ce titre collectif de bala. Si cependant on était amené à reconnaître quelque trace de classification systématique dans le Vocabulaire pentaglotte, on pourrait tirer argument de la place qu’occupe dans ce recueil la section des cinq forces, précé-

  1. Note sur le chap. iii, f. 37 a.
  2. Appendice, no IX.