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APPENDICE. — N° V.

syllabe de trop, ce qui résulte de l’hiatus causé par la voyelle a, une fois devant a, et une seconde fois devant u. Suivant les règles du pâli, il faudrait les écrire ainsi :

Sabbapâpassakaraṇam kusalassupasampadâ.

Mais on comprend sans peine que pour éviter l’amphibologie du premier vers, qui peut signifier « l’accomplissement de tout péché, » on ait prononcé, comme fait Ratnapâla, akaraṇam, détaché de sabbapâpassa ; dans le second pâda au contraire la contraction de kusalassa et upasampadâ en un seul mot est indispensable, et elle ne cause aucune obscurité. La version de Ratnapâla n’en est cependant pas moins justifiée par des autorités écrites, car je la trouve dans un des Suttas du Dîgha nikâya. Voici comment elle est rapportée par le Mahâpadhâna Sutta :

Sabbapâpassa akaraṇam̃ kusalassa upasampadâ
Satchittapariyôdapanam̃ êtam̃ Buddhânusâsanam̃
[1].

Il est probable que, dans le troisième vers, pariyôdapanam est une faute pour paridamanam que donnent d’un commun accord et Ratnapâla, et Csoma de Cörös. Mais la concordance de mon manuscrit du Dîgha nikâya avec les souvenirs de Ratnapâla, nous prouve que dans cette stance populaire on a cherché plutôt le balancement des propositions que la parfaite régularité du mètre.

Le lecteur a pu se convaincre par ce qui précède combien était fondée l’opinion des savants de Calcutta, quand ils prétendaient, contre le sentiment de Csoma de Cörös, que la stance morale expliquée tout à l’heure ne tenait pas nécessairement à la formule beaucoup plus générale de Yê dharmâh. Une inscription qui a, dès le temps de Prinsep, excité une assez grande attention à Calcutta, et dont le Journal de la Société asiatique du Bengale a donné, depuis sa mort, une copie exécutée avec soin par le lieutenant-colonel Low, le monument de Keddah chez les Malais, nous fournit une preuve palpable de l’exactitude de leur appréciation[2]. La formule Yê dharmâḥ y est en effet suivie d’une sentence sur la nécessité d’échapper aux œuvres, que M. Laidley (si j’interprète bien les initiales J. W. L.) propose de lire :

Pâpmanôtchtchîyatê karma djanmanâm karma kâranam
djñânânna kriyatê karma karma bhâvana lîyatê,

et qu’il traduit : « C’est le vice qui produit l’action, et l’action est la cause de la transmigration. Celui qui, par l’effet de la science, ne se livre pas à l’action, n’est pas soumis

  1. Mahâpadhâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 77 a.
  2. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. XVIII, p. 247. Voyez touchant l’histoire de la découverte de cette inscription et l’exposé des tentatives qu’on a faites pour la lire et l’expliquer, J. Low, Account of several Inscriptions found in province Wellesley on the Peninsula of Malacca, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. XVII, 2e part. p. 63 et suiv. Voyez encore même recueil, t. VI, p. 680, et t. XVII, 1er art. p. 154. Dans le numéro de juillet 1848, p. 71, et pl. IV, no 10, on trouve lithographié le premier vers de cette formule, avec la seule différence de djanmanaḥ pour djanmanâm. Je lis au commencement de la seconde ligne, adjñânâtch tchîyatê karma, au lieu de radjônarmayanikarma que propose Râdjêndra lâl mitra. Cette dernière lecture ne donne qu’un sens forcé.