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APPENDICE. — No VI

samutpâda, donne de ce terme l’explication étymologique suivante : « Le mot pratîtya employé dans ce composé et terminé par le suffixe ab, est pris dans le sens d’arrivée, de rapport ; le radical pad précédé des préfixes sam et ut, a le sens de production. Le mot samutpâda est pris dans le sens d’apparition ; d’où il résulte que la production des [divers] états de l’existence, considérés comme origine et comme causes réciproques, est le sens exprimé par le mot pratîtya samutpâda[1]. » Cette explication n’est cependant pas si généralement admise, que l’auteur n’en rapporte, tout en la critiquant, une autre qui est ainsi conçue : « Mais d’autres commentent ainsi ce composé : le mot iti signifie l’action d’aller, le départ, la destruction ; les choses faites pour la destruction se nomment ityâḥ ; expliquant « le mot itya comme terminé par dvina (?) et par ab, ils disent que le composé pratîtya samutpâda signifie la production des choses qui s’en vont incessamment, qui sont incessamment périssables[2]. Cette explication qui roule principalement sur la valeur de la préposition prati et sur la catégorie grammaticale du mot itya, qui devient ainsi plutôt un adjectif qu’un substantif, n’ôte pas à pratîtya son caractère véritable qui ressort encore plus clairement de ces paroles du commentateur : « le mot pratîtya n’est pas indéclinable. » Cette dernière remarque paraît lui être inspirée par un scrupule de grammairien : en effet l’explication la plus naturelle qui se présente à la vue de pratitya, c’est que ce mot est le participe adverbial de la racine i, « aller, » précédé du préfixe prati ; régulièrement pratitya devrait signifier, « étant allé de nouveau, ou étant revenu. » Qui sait même s’il n’en a pas été ainsi dans le principe, et si, par une de ces irrégularités que se permettent les dialectes populaires, on n’a pas employé en composition le participe adverbial pratîtya et en pâli paṭitchtcha tout infléchi, pour résumer des locutions comme celles que je signalerai plus bas : pratîtya samutpâda vêdanam̃ paṭitchtcha taṇhâ, littéralement : « Le désir [existe] ayant suivi, ou ayant eu pour cause la sensation[3] ? » Ce qui semblerait confirmer cette manière de voir, c’est qu’on ne rencontre pas à part le mot pratitya, ni le pâli paṭitchtcha ; pour exprimer l’idée de cause, on se sert toujours de pratyaya, et en pâli patchtchaya.

Mais l’idée de faire de pratîtya un substantif n’est pas particulière aux Buddhistes du Nord ; on la trouve également chez ceux du Sud, comme le prouvent et le témoignage de Clough, et celui d’un texte pâli que je citerai tout à l’heure. Clough divise en deux mots, pratitya samutpâda, le composé même que nous expliquons en ce moment ; puis il donne à part le mot pratîtya avec le sens de « cause, cause productrice, origine ; » d’où il résulte qu’à ses yeux c’est un substantif formé de la préposition prati, indiquant la réciprocité ou le retour, et un synonyme de pratyaya, lequel est très-communément employé dans le sens de cause efficiente. Ajoutons ici, avant de passer outre, l’exposé succinct qu’a présenté Clough de la théorie que résume brièvement l’expression de pratîtya samutpâda. « C’est, dit-il, la source de l’animation, l’origine de la vie, ce qui a donné naissance aux êtres sensibles. Cette recherche occupa les méditations profondes du Buddha, le premier jour qu’il atteignit à l’état de Bôdhi. J’existe, se dit-il ; d’autres êtres ont existé avant moi ; il y a eu une période où il n’existait pas d’êtres vivants. Il se représenta ensuite la totalité du monde animé arrivant à l’existence de la manière suivante : de l’ignorance procéda la

  1. Vinaya sûtra, man. de la Soc. Asiat. f. 2 a.
  2. Ibid.
  3. Ci-dessous, p. 536.