Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/71

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de l’affection, de la haine et de l’erreur les êtres tombés sous l’empire de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort, des peines, des lamentations, de la douleur, du chagrin, du désespoir, de l’aveuglement profond où plongent les ténèbres épaisses et l’obscurité de l’ignorance, pour leur faire concevoir l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Une fois né, il voit, sans en être atteint, les êtres brûlés, consumés, dévorés, détruits par la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, les peines, les lamentations, la douleur, le chagrin, le désespoir. Sous l’influence du désir qui les pousse à rechercher les objets de jouissance, ils éprouvent des maux de diverses espèces. Par suite de ces deux conditions du monde, le besoin d’acquérir et celui d’amasser, ils se préparent pour l’avenir des maux de divers genres dans l’Enfer, dans des matrices d’animaux, dans le monde de Yama ; ils éprouvent des maux tels que la condition de Dêva, les misères de l’humanité, la présence des choses qu’ils ne désirent pas, et l’absence de celles qu’ils désirent. Et là même, au milieu de cette masse de douleurs à travers lesquelles ils transmigrent, ils jouent, ils s’amusent, ils se divertissent ; ils ne craignent pas, ils ne tremblent pas, ils n’éprouvent pas d’effroi, ils ne comprennent pas, ils ne perçoivent pas, ils ne se troublent pas, ils ne cherchent pas à en sortir. Là même, dans cette réunion des trois mondes qui est semblable à une maison embrasée, ils s’amusent, ils courent de côté et d’autre. Quoique pressés par cette grande masse de douleurs, ils n’ont pas conscience de l’idée de douleur.

Alors, ô Çâriputtra, le Tathâgata réfléchit ainsi : Je suis certainement le père de ces êtres ; c’est pourquoi ces êtres doivent être aujourd’hui délivrés par moi de cette grande masse de maux, et il faut que je donne à ces êtres le bonheur incomparable, inconcevable de la science du Buddha, avec laquelle ces êtres joueront, s’amuseront, se divertiront, dont ils feront des jouets. Alors, ô Çâriputtra, le Tathâgata réfléchit ainsi : Si, en disant "j’ai la force de la science, j’ai la force de la puissance surnaturelle," j’allais parler à ces êtres, sans employer les moyens convenables, de la force et de l’intrépidité du Tathâgata, ces êtres ne sortiraient pas [du monde] à l’aide de ces lois. Pourquoi cela. C’est que ces êtres ont une passion extrême pour les cinq qualités du désir ; ils ont, dans cette réunion des trois mondes, une passion extrême pour les plaisirs des sens ; ils ne sont pas affranchis de la naissance, de la vieillesse, des maladies, de la mort, des peines, des