Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/157

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merveilleuse, au fond de laquelle on voit la réalité telle que l’a vue le peintre, plus la pensée même du peintre qui l’a interprétée. Soit dans les descriptions, soit dans les analyses, soit dans la suite des événements, il suit l’idée d’un mouvement continu, il l’exprime et le manifeste avec une aisance et une fluidité qui n’empêchent pas la force.

J’ai vu, dans un repli des montagnes du Jura, une source que l’on appelle la Source bleue, à cause de sa couleur, qui reflète le paysage environnant, un coin du ciel ménagé au-dessus d’elle et peut-être aussi la nature de la pierre où elle a creusé sa coupe d’azur. Elle est calme, profonde, attirante comme par un charme magique. On ne peut voir cette source sans s’éprendre d’elle et adorer la Naïade qui la consacre ; on la suit dans sa fuite à travers les prés voisins ; elle s’excite par la pente à laquelle elle obéit ; elle murmure avec fracas en descendant rapidement à travers son lit de cailloux ; elle s’irrite et frémit, au bas du coteau, contre un rocher immobile et brutal qui lui barre le chemin ; elle détourne de cette barrière sa colère et son cours, grondant encore, élargissant à chaque pas son onde grossie des torrents voisins qu’elle reçoit et qu’elle absorbe. Un instant, comme trop pleine des trésors amassés de ces eaux étrangères, elle passe par-dessus ses rives, elle s’épuise par ce débordement, elle va perdre une partie de ses flots inutiles autour d’îlots de sables dénudés ; puis enfin, se recueillant par un dernier effort, elle se ramène en soi, elle s’offre apaisée à la