Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/176

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pas George Sand avec son calme, avec son sérieux, donnant la réplique aux terribles malices de Sainte-Beuve, le chef du chœur, aux ironies de Flaubert, aux paradoxes « exubérants » de Théophile Gautier. Elle se plaignait parfois de cette outrance dans la plaisanterie, et de ce qu’elle appelait, d’un mot qui revient souvent dans sa correspondance, la blague, chez les artistes et les lettrés de Paris. Elle a besoin de protester, au nom du bon sens, du goût et du sérieux de la vie, quand la mesure a été dépassée. « Je ne sais, écrit-elle à Flaubert, si tu étais chez Magny un jour où je leur ai dit qu’ils étaient tous des messieurs. Ils disaient qu’il ne fallait pas écrire pour les ignorants ; ils me conspuaient, parce que je ne voulais écrire que pour ceux-là, vu qu’eux seuls ont besoin de quelque chose. Les maîtres sont pourvus, riches et satisfaits. Les imbéciles manquent de tout, je les plains. Aimer et plaindre ne se séparent pas. Et voilà le mécanisme peu compliqué de ma pensée. » Elle ne convertissait personne, mais elle donnait à chacun une raison nouvelle de l’estimer, en parlant ainsi.

Telle je la vis dans cette journée que nous passâmes à causer. Bien des choses de fond nous séparaient ; mais, parmi les écrivains célèbres, et même parmi ceux qui ne le sont pas, je n’en ai pas connu un seul qui respectât plus et mieux les opinions des autres et qui imposât moins ses idées. Elle mettait à l’aise ses adversaires par un ton de bonhomie où il n’y avait rien de simulé ; elle indiquait sa manière