Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/192

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faire une idée assez exacte de sa méthode de travail et de ses idées sur les conditions et les exigences de son art, qu’elle portait à l’état d’instinct jusqu’au jour où, dans une discussion célèbre, il fallut en trouver l’expression claire et la formule définitive.

Il semble bien que c’était le plaisir d’écrire qui l’entraînait, presque sans préméditation, à jeter un peu confusément sur le papier ses rêves, ses tendresses, ses méditations et ses chimères, sous une forme concrète et vivante.

Pour se rendre compte de cette facilité presque incroyable d’écrire, il fallait se rappeler qu’il y avait en elle, avec le don naturel que rien ne remplace, ce fonds d’expérience et de connaissances acquises, qui multiplie les ressources du talent et permet de le varier, non sans le fatiguer sans doute, mais sans l’épuiser jamais. — Le don de nature se constate et ne s’analyse guère. Comment expliquer avec précision ce fait extraordinaire d’une imagination qui s’éprend avec ardeur de ses propres créations, d’une faculté d’expression qui se trouve un jour toute prête, sans avoir été préparée, qui s’adapte presque sans tâtonnement et sans effort aux sujets les plus divers, à l’analyse et à l’action, comme si l’auteur ne trouvait rien de plus aisé et de plus naturel que de raconter ses visions intérieures et de faire voir aux autres les personnages et les drames qui s’agitent en lui à l’aide d’un style qui n’est que sa pensée devenue visible ? C’est là le don, il existe, et l’on trouve de ces esprits prédestinés qui se jouent des difficultés