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société où il y a des propriétaires, le ciel a un grand propriétaire, le propriétaire de tous les propriétaires. Dieu lui-même. Dieu était jaloux de sa propriété. Il ne voulait pas qu’on touche à ses frontières célestes. Il a confondu les langues, et les hommes, au lieu de travailler ensemble pour arriver au ciel de l’idéal, se sont envoyés des briques. C’est à peu près l’image des rivalités nationales, des rivalités de race à race, de tribu à tribu, de peuple à peuple, de continent à continent.

Les peuples, parlant différentes langues, se sont considérés comme des barbares. Chaque peuple se considère comme le premier. Les Français se considèrent comme le plus grand peuple du monde. Le peuple juif se trouve le peuple élu de Dieu. Les Allemands en répétant « Deutschland uber alles ! » se considèrent comme un peuple supérieur. Il y a même un écrivain, Mann, qui a découvert que ce qu’on reproche aux Allemands, leur barbarie, leur brutalité, est une supériorité : On est barbare et on s’en vante. On trouve toujours moyen de se déclarer le premier. Je ne sais pas si toutes les femmes se trouvent les plus belles. Mais les peuples se trouvent toujours les plus grands. Tout est permis contre le peuple qu’on considère comme inférieur. La religion patriotique, nationaliste, la religion du massacre a comme maxime, comme morale si on peut dire, le contraire de la maxime évangélique. La maxime évangélique, vous le savez, dit : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse à toi-même ». Le nationalisme dit le contraire : « Fais aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ». C’est l’impératif catégorique du nationalisme. On peut citer des exemples. Hervé dit : « Que les Allemands crèvent pourvu que