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tionalistes de l’autre côté de la frontière, en chargeant exclusivement notre propre nationalisme. Cela s’explique par de bons sentiments. Nous devons même le faire souvent. Car il ne faut pais toujours combattre les assassins des nations de l’autre côté de la frontière, parce qu’ils sont loin de nous et parce que c’est plus commode. Au point de vue pratique, il est nécessaire de combattre l’ennemi en face, celui qui est l’assassin immédiat, celui qui se trouve dans notre propre pays. Mais, au point de vue théorique, au point de vue de la vérité historique, nous devons dire toute la vérité. Oui, Guillaume est coupable. Mais, d’autre part, Guillaume seul n’aurait pas pu déchaîner la guerre. En tout cas, je ne vois pas que les autres, tout en ayant une autre forme de culpabilité, soient moins coupables.

Si on envisage la situation de la Russie, c’était, à un certain point de vue, le contraire de ce qui se passait en Allemagne. Autant Guillaume représentait une personnalité puissante, volontaire, ambitieuse, originale même, passionnée pour la caste militaire, autant Nicolas représentait une personnalité effacée, neurasthénique, maladive. Mais c’était précisément une des raisons pour en faire un jouet dans les mains de l’autre, dont nous parlerons tout à l’heure.

Il y avait en Russie une situation qui poussait à la guerre. C’était d’abord la défaite dans la guerre russo-japonaise. Ce fut un formidable coup, non seulement d’ordre matériel, mais d’ordre moral. La puissance militaire immense qu’était la Russie, cette Russie qui occupe un sixième du globe, qui a une population de 180 millions d’habitants, se trouvait pour la première fois en face d’un petit peuple orientai qui vient seu-