Page:Champollion - Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829.djvu/58

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jours, allant de grand matin visiter l’obélisque de Cléopâtre, et au milieu des collines de sables qui couvrent les débris de l’antique Alexandrie, je rencontrai un Arabe aveugle et âgé, conduit par un enfant : j’approchai, et l’aveugle, informé que j’étais Français, me dit aussitôt ces propres mots en me saluant de la main : Bonjour, citoyen ; donne-moi quelque chose ; je n’ai pas encore déjeuné. Ne pouvant ni ne voulant résister à une telle éloquence, je mets dans la main de l’Arabe tous les sous de France qui me restaient ; en les tâtant il s’écria aussitôt : Cela ne passe plus ici, mon ami. Je substituai à cette monnaie française une piastre d’Égypte : Ah ! voilà qui est bon, mon ami, ajouta-t-il ; je te remercie, citoyen. De telles rencontres dans le désert valent un bon opéra à Paris.

Je suis déjà familiarisé avec les usages et coutumes du pays ; le café, la pipe, la siesta, les ânes, la moustache et la chaleur ; surtout la sobriété, qui est une véritable vertu à la table de M. Drovetti, où nous nous asseyons tous les jours, mes compagnons de voyage et moi.

J’ai visité tous les monuments des environs ; la colonne de Pompée n’a rien de fort extraordinaire ; j’y ai trouvé cependant à glaner. Elle repose sur un massif construit de débris antiques, et j’ai reconnu parmi ces débris le cartouche de