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DANS UNE BONZERIE

portent aux tombes de leurs morts. D’ordinaire ils tiennent à ce que leurs cimetières ne soient pas trop éloignés de leurs demeures. « Les morts, a écrit le P. Dalman, à ce sujet, sont près des vivants, souvent au milieu d’eux. Les tombes s’élèvent dans des jardins, où le souffle du printemps ranime l’immortelle jeunesse de la nature. »[1] Autrefois, dans l’esprit des Romains, la survie des âmes avait quelque chose de matériel : il en est ainsi des Japonais. De là la coutume de présenter de la nourriture aux âmes, comme on le fait à des êtres qui possèdent un corps.

Enfin il faut remarquer le rôle mystérieux qu’ont dans le shintoïsme les visites faites aux tombes des ancêtres. On considère les âmes comme des esprits tutélaires et on leur confie toutes les nouvelles de famille. Quand un membre de la famille entreprend un voyage à l’étranger, ou qu’un soldat va servir sa patrie sous d’autres cieux, ils n’oublient pas, avant de partir, d’aller prendre congé de leurs ancêtres, et font une visite à leur tombeau. Ils se mettent sous leur protection et comptent sur leur secours pour revenir sains et saufs au pays de leurs aïeux. C’est la cérémonie à laquelle s’est astreint le prince impérial, avant de quitter le Japon pour l’Europe en 1921. Réellement, on dirait qu’il y a une dépendance des vivants à l’égard des morts.

Ainsi le culte des morts est le plus profond sentiment de l’âme japonaise. Commencé par les cérémonies li-

  1. Cf. Christus, p. 277.