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PROPOS JAPONAIS

graphie de la Mandchourie et de la Tartarie orientale. Ils vinrent jusqu’à Dundun, non loin de l’entrée de l’Amour ; et, sans passer dans l’île elle-même, ils rapportèrent en leur pays de nombreux détails sur le climat de cette île et sur ses habitants.

Cependant, les explorateurs persistent à croire que Saghalien est une péninsule. C’est ce dont témoigne la carte faite en 1737 par le géographe français, D’Anville. C’est ce que crut aussi le célèbre La Pérouse, qui vint dans ces parages en 1787. Il longea la côte de Tartarie jusqu’au 51e de latitude. À cet endroit, qu’il nomma Baie de Castries ; le détroit étant peu profond, il craignit de s’échouer ; et doublant, vers le sud, le cap, qu’il appela Cap Crillon, il s’engagea au nord de Yéso, dans un autre détroit auquel il laissa son nom.

Le Japonais Mamia Rinzo fut plus heureux, en 1808. Il traversa tout le détroit de Tartarie ; et à son retour, il en dressa des cartes détaillées. Mais ces cartes ayant été enfermées dans les archives de Tôkyô, personne à l’étranger, n’eut vent de la découverte.

Quarante ans plus tard, les Russes eurent la même ruse. Le capitaine Nivelsky reconnut que Saghalien était une île, mais l’heureuse nouvelle ne fut pas ébruitée. Ce silence devait leur profiter. En 1855, durant la guerre de Crimée, six de leurs vaisseaux furent découverts dans la Baie de Castries, par une flottille anglaise, qui descendit aussitôt vers le sud, pour enfermer les issues et y attendre du renfort, pensant emprisonner les Russes dans un cul-de-sac ; mais ceux-ci, pendant ce temps, s’esquivèrent rapidement par le détroit, connu d’eux seuls, et se réfugièrent dans l’Amour.

Cette fois, on ne douta plus que Saghalien ne fût réel-