Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
L’ÎLE DE KARAFUTO (SAGHALIEN)

y a des dieux dans le feu, dans l’air et dans les eaux. — Où crois-tu que le dieu des popes habite ? Le Tongouse eut alors un grand éclat de rire, puis il montra une bouteille d’eau de vie :

« Là-dedans, s’écria-t-il, c’est là-dedans qu’il habite, et c’est pourquoi les Russes (forçats, popes et fonctionnaires) boivent si souvent de l’eau-de-vie. »

Les Ainos et les Guiliaks, au contraire, se sont toujours montrés réfractaires au zèle des popes.

L’idée que les Ainos ont de leurs dieux est une idée de terreur. Aussi pensent-ils toujours à eux et cherchent-ils à tout moment à les apaiser par quelque offrande. De là une profonde mélancolie dans leur vie. Ils sont sombres et rêveurs.

Les Guiliaks sont beaucoup plus gais ; il aiment à rire et à plaisanter. Cependant, ils sont aussi très superstitieux ; ils voient des dieux partout : dans les eaux, dans les bois, dans le vent, dans le feu, dans toutes les forces de la nature. Le foyer de la famille est un dieu, et c’est un péché de le laisser éteindre ; c’est pourquoi, en été comme en hiver, il y a toujours du feu dans une maison guiliake.

Une coutume commune aux Ainos et aux Guiliaks est le sacrifice de l’ours. Chaque année, ils s’emparent d’un ourson et l’élèvent dans une cage en bois construite près de leur maison. On le nourrit, non seulement avec les plus grands soins, mais encore avec les marques de la plus grande tendresse : dans les premiers mois, une femme est chargée de nourrir l’animal de son propre lait.

Lorsque l’ours a atteint l’âge de deux ans, le propriétaire invite ses amis et prépare la fête. Il y a d’abord un festin. Puis un discours est prononcé par un vieil-