Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/262

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À peine quelques rares principes de la loi naturelle surnagent-ils sur l’abîme de tant d’ignorance : Apparent rari nantes in gurgite vasto, si l’on peut appliquer ici ce vers de Virgile. Or, comment le cœur du missionnaire ne se sentirait-il pas brisé de tristesse à ce spectacle ? « Oh ! gémit-il souvent, si tous ces gens étaient chrétiens ! » et les larmes lui viennent aux yeux !…

Une autre cause de tristesse pour lui, c’est l’état d’impuissance où se trouve actuellement la religion catholique en ce pays. Jusqu’ici encore, pas de prestige et peu de succès !

Comment pourrait-on escompter du prestige ? Les églises ici sont si peu nombreuses et, où il y en a, elles sont si petites, si pauvres, si misérables ! Construites d’ordinaire en bois et si fragilement, qu’à peine peuvent-elles durer dix ans, sans se disloquer, elles ne se distinguent guère des autres maisons japonaises, que par une petite croix qui les surmonte et qui, la plupart du temps, reste inaperçue des passants.

Et puis, dans le saint exercice du culte, dans les cérémonies, rien de solennel, rien de majestueux, rien de puissant ; au contraire, tout est simplifié, tout est modeste, tout est raccourci. On se borne à l’essentiel en tout ; il le faut bien : on ne peut faire autrement.

Par les chrétiens eux mêmes, la religion n’obtient pas davantage de prestige. Nos chrétiens, en général, n’occupent dans la société qu’une position peu avantageuse à ce point de vue. Ce sont des gens pauvres, appartenant, pour un bon nombre, à l’ancienne classe des samuraï, la classe la plus droite et la plus honnête de la nation, il est vrai, mais aussi la classe la moins favorisée de la fortune, depuis sa dégradation officielle. Il ne se trouve