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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/119

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formé d’une longue, l’autre de deux brèves. Il résulte de là que le dactyle est grave et bien pondéré, sans monotonie et sans lourdeur. Il convenait, par suite, mieux que tout autre pied, à des chants religieux plus solennels que passionnés, et sans doute le sentiment des premiers poètes d’hymnes ne s’y est pas trompé. Dès qu’on eut commencé à chercher un moyen de rythme dans la quantité relative des syllabes et dans leur groupement, ce qui fut le fait de l’instinct, on dut reconnaître immédiatement qu’entre les combinaisons élémentaires qui s’offraient d’elles-mêmes, aucune n’était mieux appropriée que celle-là à l’usage qu’on en voulait faire*.

Mais le dactyle une fois adopté comme pied fon-

1. Bergk (Geschichte der griech. Literatur t. I, p. 382 et suiv.) exprime une opinion fort différente. Frappé de l’importance du rythme anapestique dans les chants populaires de l’ancienne Grèce, il pense que les premiers hymnes religieux et même les premiers chants épiques durent être composés dans ce mètre, et que l’hexamètre sortit plus tard de la réunion de deux membres anapestiques incomplets (le premier diminué de sou commencement :

2 wwx wwx; le second de sa fin : wwi wwxwwi w). Si l’on rapproche bout à bout ces deux membres, on a eu effet un vers hexamètre, ou du moins l’apparence d’un vers hexamètre; en réalité le rythme en est tout différent. Le moindre défaut de cette combinaison est d’être entièrement arbitraire. D’ailleurs la conjecture même sur laquelle elle s’appuie est loin d’être probable. Sans doute l’anapeste domine dans les chants populaires ; mais les hymnes religieux n’ont jamais été des chants populaires ; ils ont dû avoir au contraire dès l'origine un caractère de gravité, de solennité, qui justifiait et exigeait même l’emploi d’un rythme particulier. Le mètre dactylique était aussi naturel à la langue grecque que le mètre anapestique, et il serait absolument incroyable qu’on eût fait usage de l’un et ignoré la valeur de l’autre, jusqu’au jour où un heureux hasard en aurait révélé la beauté dans une combinaison aussi savante que fortuite.